Les médias dominants se sont enflammés pour le spectacle de l'incendie de Notre-Dame de Paris qui occulte opportunément l'incendie social des gilets jaunes. Dans la France, plus catholique que laïque, on mobilise en quelques heures des centaines et des centaines de millions d'euros pour restaurer Notre-Dame de Paris, mais on ne trouve pas un centime pour les travailleurs en difficulté et encore moins pour les chômeurs - salauds de pauvres !
Les grands patrons, si pingres avec leurs travailleurs, annoncent des dons de 100 millions d'euros (la famille Pinault et le groupe pétrolier Total soit 200 millions d'euros) et de 200 millions d'euros (la famille Arnault, la famille Bettencourt-Meyers, le groupe l'Oréal et le groupe LVMH soit 800 millions d'euros) [RCI]. Le CIO, rivalisant avec les grandes fortunes françaises, promet un don 500 millions d'euros [AFP] !
Que d'émotions soudaine pour un bâtiment qui nécessitait d'importants travaux de restauration, au moins comparables à ceux du XIXe siècle, mais commencés sans beaucoup de ressources. L'engouement pour le roman de Victor Hugo avait suscité une campagne de donations qui financèrent les travaux menés par Eugène Viollet-le-Duc entre 1844 (il n'avait alors que 30 ans) et 1864. Il semble que cet incendie ait suscité des dons à la hauteur d'un chantier de longue haleine - au moins quinze ans selon les architectes les plus optimistes.
Il faut rappelé que la construction de Notre-Dame de Paris, qui dura presque deux cents ans (1163-1345), subit beaucoup de transformation au fil des siècles : camouflage des parties romanes (1250-1268), camouflage les piliers gothiques à la Renaissance, réaménagement complet du chœur au XVIIe siècle, destructions pendant la Révolution et restauration - en partie contestée - au XIXe siècle. Au total, la Notre-Dame de Paris du XXIe siècle ressemble de très loin à celle du XIIe siècle.
Il faut aussi rappelé que Notre-Dame de Paris fut construite, à la place de la cathédrale romane, après l'échec de la seconde Croisade sur l'initiative de l'évêque Maurice de Sully et avec l'aide de Louis VII. La deuxième Croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux (le plus grand propagandiste de l'époque), s'acheva par un désastre en 1149 suite à l'échec du siège de Damas (l'histoire bégaie). Mais les chrétiens voulaient gagner la guerre contre les musulmans en construisant des lieux de culte de plus en plus grands - à la mesure de leurs ambitions.
Hier comme aujourd'hui, la caste des riches construisent de manière ostentatoire des bâtiments pour affirmer leur pouvoir économique et culturel sur l'immense majorité des peuples. N'en déplaise aux révolutionnaires [Révolution Permanente], la vie de millions de travailleurs qui se débattent quotidiennement pour survivre vaut plus que les pierres d'une église aussi prestigieuse soit-elle.
19/04/2019
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question
Lire aussi :
• Dossier Incendie Notre-Dame de Paris, Monde en Question, 15-19/04/2019.
• La grande histoire de Notre Dame de Paris, Notre Dame de Paris.
• Historique de la construction, Notre Dame de Paris.
• Victor HUGO, Notre-Dame de Paris, 1831 [Texte en ligne].
• Victor HUGO, Les misérables, 1862 [Texte en ligne].
• André GUESLIN, D’ailleurs et de nulle part - Mendiants, vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge, Fayard, 2013 [Texte en ligne].
• Dossier Économie sociale, Monde en Question.
• Dossier Inégalités & Précarité, Monde en Question.
• Dossier pauvreté, Monde en Question.