C'est ce qui s'appelle un état de sidération. Depuis les débuts tunisiens de ce printemps arabe et depuis, surtout, que le président égyptien avec lequel ils entretenaient des liens tellement étroits est apparu menacé, les Israéliens semblent frappés de paralysie intellectuelle, plongés qu'ils sont dans un mutisme effaré rompu seulement par de rares et incohérentes déclarations.
Hormis quelques personnalités intellectuelles et Shimon Pérès, prix Nobel de la paix et chef de l'Etat sans pouvoir, qui ont applaudi ce vent de liberté, c'est le silence radio à Jérusalem, comme si ni la gauche, ni le centre, ni la droite au pouvoir ne savaient que penser et, de fait, ils ne le savent pas. On aurait pu imaginer que la gauche profite de ce printemps pour se remobiliser et sommer la coalition gouvernementale de tendre la main aux manifestants arabes mais cette gauche éclatée n'a plus de troupes depuis que l'impasse du processus de paix a découragé et dispersé le camp de la paix israélien. Autrefois si militante et ardemment pacifiste, la jeunesse israélienne s'est réfugiée dans l'individualisme et ne croit plus qu'au plaisir et à la réussite individuelle quand elle n'émigre pas purement et simplement.
Le centre alors, plus fort et premier des partis en nombre de députés, aurait pu presser Benjamin Netanyahu de relancer les négociations avec les Palestiniens mais on ne l'entend pas car il est bien conscient que, dans un paysage régional aussi bouleversé, il ne peut pas seulement s'agir de faire miaintenant ce qu'il aurait souhaité qu'il soit fait plus tôt. Le centre se tait parce que, sans certitude que l'Egypte, la Jordanie, l'Arabie saoudite et les pays du Golfe puissent garantir, demain, la coexistence pacifique d'Israël et d'un Etat palestinien, il en vient à considérer que la paix est devenue plus risquée qu'hier.
Quant à la droite, elle est partagée entre ceux qui n'ont jamais voulu de la paix et en voudraient moins que jamais dans ce nouveau contexte et ceux -dont le Premier ministre- qui commencent à mesurer que l'isolement diplomatique d'Israël a toutes chances d'être accru par ce changement de donne régional.
Les faits sont là. Considérant que le statu-quo arabe n'est plus tenable, les Américains ont très vite joué la carte du changement et continuent de le faire. Avec un temps de retard et beaucoup plus d'inquiétude, les Européens se rallient à cette position. L'un dans l'autre, le souci prioritaire des Occidentaux est désormais de consolider leurs positions dans des mondes musulmans en transition vers la démocratie. Ils seront d'autant moins disposés, Américains compris, à laisser leur solidarité avec Israël compromettre les chances qui s'offrent à eux au sud et à l'est de la Méditerranée que l'actuel gouvernement israélien a refusé, depuis deux ans, d'entendre leurs appels au compromis et que l'image internationale d'Israël s'est considérablement dégradée.
Israël doit aujourd'hui repenser toute sa diplomatie car, maintenant que l'islamisme fait moins peur et que l'état de droit et la démocratie vont lentement, très lentement mais tout de même progresser dans la région, il ne pourra plus aussi allégrement ignorer le droit international qu'auparavant. Israël doit accompagner le printemps arabe et vite, très vite, trouver les moyens et la manière de le faire.
Géopolitique
Écouter aussi : Israël face aux révolutions arabes, Du Grain à moudre.
Selon une analyse du célèbre éditorialiste de gauche Gideon Lévy, la révolution Egyptienne est une bonne nouvelle pour le monde entier et aussi pour Israël. Mais ce n'est pas, de loin, ce que semblent penser ses compatriotes, et son gouvernement, qui craignent que la nouvelle donne nuise aux intérêt de leur pays car la "rue arabe" est solidaire du peuple palestinien et hostile à Israël. Et puis quel le rôle seront appelés à jouer les mouvements d'opposition islamistes dans les transitions politiques à l'œuvre ?Lire aussi :
Chronique Colonisation de la Palestine 2011, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
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