"Réduites à n'être que d'élégantes poupées dans leur jeunesse, et de grands enfants toute leur vie."Fanny RAOUL, Opinion d'une femme sur les femmes, Le passager clandestin, 2011 [Texte en ligne - Les Idées claires - Lectures].
Dans ce texte édité pour la première fois en 1801, Fanny Raoul annonce la couleur dès les premières lignes : c'est aux femmes qu'elle écrit, et "forte de [leur] approbation, [elle] osera tout braver". Elle est confiante dans l'avenir, et dans l'utilité de son propos ; mais elle peint un tableau accablant de la condition féminine en France au début du XIXe siècle. "Objet de mépris" ; "hochet agréable [que l'homme] brise quand il en est las" ; "esclave dans la famille et nulle au sein de la Patrie"… La femme est réellement opprimée et asservie par le sexe masculin, qui proclame sa supériorité et son autorité dans tous les domaines.
Elle démonte avec vigueur les préjugés, liste les injustices ; elle note que les femmes subissent la "barbarie" de leurs époux, qu'elles n'ont pas d'existence morale et qu'on a fini par les amener à douter de leur propre raison, et de leurs capacités intellectuelles.
Elle réclame l'indépendance de la femme par rapport à l'homme, la liberté et l'égalité civiles, le droit à être chef de famille au même titre que le père, l'accès à l'éducation et à tous les métiers, le mariage sous le régime de la séparation de biens ; autant d'idées qui jettent les bases du féminisme. Fanny Raoul interpelle les femmes de son époque, les somme de "commander le respect" (qui d'autre qu'elles pourrait le faire ?), et c'est parfois encore hélas notre propre société qu'elle interpelle.
À l'heure du bilan, que pouvons-nous répondre à cette phrase tirée de "Opinion d'une femme sur les femmes" : "Dans un demi-siècle au plus tard, les femmes auront recouvré leurs droits, ou l'Europe sera retombée dans la barbarie."
Préface de Geneviève Fraysse
Les premières lignes de Fanny Raoul, dogme de nombreuses féministes, est historiquement faux, mais qui s'en soucie puisque tous les arguments sont bons quand s'agit de défendre une cause juste.
Beaucoup seront d'accord avec ces propos :
Mais peu remarqueront la contradiction entre la conclusion et l'introduction, historiquement fausses l'une et l'autre :
Comme pour l'œuvre de Marx et d'Engels, il est préférable de lire le texte original de Fanny Raoul et de se faire sa propre opinion avant d'aborder les commentaires des commentaires qui, selon les a priori de leurs auteurs (préjugés rarement énoncés), mettent en avant certains aspects et en escamotent d'autres. Dire, par exemple, que Fanny Raoul fut féministe relève d'un préjugé aussi imbécile que d'écrire :
[...] nous savons toutes et on nous le rappelle sans cesse, qu'il nous suffit de ne pas être des saintes pour que tout mâle normalement constitué ait une irrépressible envie de nous fourrer son pénis dans notre vagin sans nous demander notre avis. [1]16/08/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
Lire aussi :
• Fanny RAOUL, Textes en ligne, Gallica (BNF).
• Droits des femmes, Textes en ligne, Gallica (BNF).
• Dossier documentaire Féminisme, Monde en Question.
• L'actualité des livres
- Centre National du Livre
- Veille littéraire CNL
[1] Lire :
• Le mot féministe apparaît en 1872. Sources : CNRTL - Vacarme.
• Serge LEFORT, Coupable, forcément coupable, Monde en Question.
• La cause des femmes récupérée par le gouvernement : Synthèse de l'actualité, Direction générale de la cohésion sociale Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes.