"Les dirigeants d’Israël paieront pour ce bain de sang" [
1]
Quand les canons se tairont finalement, le temps des questions et des enquêtes sera venu. Les nuages de fumée et de poussière se dissiperont dans le ciel noir de Gaza ; la ferveur pour soutenir la guerre et la désensibilisation des masses seront à jamais oubliées et nous pourrions peut-être avoir une image claire de la bande de Gaza dans toute la réalité de la guerre qu’elle a subie. Ensuite, nous verrons l’étendue des tueries et des destructions, les cimetières surchargées et les hôpitaux débordés, les milliers de blessés et les handicapés physiques, les maisons détruites qui restent pour témoigner de cette guerre.
Les questions qui doivent être posées avec autant de précautions que possible sont de savoir qui est coupable et qui est responsable. Le volonté exagérée du Monde à pardonner à Israël est susceptible de se fissurer à ce moment-là. Les pilotes et les artilleurs, les équipes de tanks et les soldats de l’infanterie, les généraux et les milliers personnes engagées dans cette guerre chacun selon son zèle apprendront l’ampleur du mal et le caractère aveugle des frappes militaires. Ils n’auront peut-être pas à payer n’importe quel prix. Ils sont allés au combat mais d’autres les ont envoyés.
Un examen public, moral et judiciaire sera appliqué à deux hommes et une femme d’Etat israélien qui ont envoyé les Forces israéliennes en guerre contre une population impuissante, qui n’a même pas un endroit où se réfugier, dans la seule guerre peut-être dans l’histoire contre une bande de terre délimitée par une clôture.
Ehud Olmert, Ehud Barak et Tzipi Livni se tiendront dans le box des accusés. Le premier est déjà mis sous examen pénal et les deux autres sont candidats pour le poste de premier ministre.
Il serait inconcevable de ne pas leur demander de rendre compte du bain de sang à Gaza.
Olmert est le seul Premier ministre israélien qui a envoyé son armée en guerre par deux fois au cours de son bref mandat. L’homme qui a fait un certain nombre de déclarations courageuses sur la paix à la fin de son mandat, a orchestré pas moins de deux guerres. Parler de paix et de guerre, le « modéré » et l’« éclairé » Premier ministre s’est révélé comme l’un de nos plus grands fomentiers de guerre. En comparaison de cela, ses corruptions ("cash enveloppes" et les passe-droits "Rishon Tours") le feront apparaître blanc comme neige.
Barak, le chef du parti de la gauche doit rendre compte des crimes des forces armées sous sa direction. Sa responsabilité est entière dans les bombardements et les tirs d’obus sur les centres de population, dans les centaines de morts et de blessés parmi les femmes et les enfants, dans le nombreux tirs sur les équipes médicales, dans l’utilisation des bombes au phosphore employées contre des zones civiles, dans le bombardement de l’école de l’ONU qui a servi de refuge à des résidents qui ont saigné à mort pendant des jours parce que les forces armées empêchaient leur évacuation en leur tirant dessus et en leur lançant des obus. Il doit porter la responsabilité même du siège imposé à Gaza pendant un an et demi et dont les implications sont effroyables dans la guerre d’aujourd’hui. Tout cela va compter comme crimes de guerre.
Livni, la ministre des Affaires étrangères et chef du parti centriste, restera dans les mémoires comme celle qui a poussé et légitimé le silence sur tous ces événements. La femme qui a promis « une autre forme de politique » y est totalement impliquée. Cela ne doit pas être oublié.
Contrairement à ce qui a été affirmé, nous sommes autorisés à croire que ces trois leaders ne se sont pas lancés dans la guerre pour des considérations électorales. N’importe quel moment est bon en Israël pour faire la guerre. Nous avons engagé la précédente guerre, trois mois après les élections, non pas deux mois avant. Israël va-t-il les juger sévèrement à la lumière des images provenant de la bande de Gaza ? Peu probable. Barak et Livni sont effectivement en hausse dans les sondages. L’épreuve qui les attend n’est pas une affaire locale. Il est vrai que certains hommes d’État étrangers ont cyniquement applaudi aux bombardements israéliens. Il est vrai que les USA ont gardé le silence, que l’Europe est restée muette, que l’Égypte a soutenu l’agression mais d’autres voix vont sortir des crépitements du combat.
Les premiers échos peuvent déjà être entendus. Ce week-end, l’ONU et la Commission des droits de l’Homme à Genève, ont demandé une enquête sur les crimes de guerre qui auraient été perpétrés par Israël. Dans un monde où les dirigeants bosniaques et leurs homologues du Rwanda ont déjà été mis en examen, une demande similaire est susceptible de porter sur les fomentiers de cette guerre. Les basketteurs israéliens ne seront pas les seuls à avoir honte dans les arènes sportives, et les hauts dirigeants qui ont enclenché cette guerre ne seront pas les seuls contraints de se cacher dans les avions d’El Al de peur qu’ils ne soient arrêtés.
Cette fois, nos plus hauts responsables d’Etat, les membres du cabinet de guerre seront susceptibles de payer un prix personnel et national.
Je n’écris pas ces mots avec plaisir mais avec tristesse et une profonde honte... en dépit de la tolérance internationale envers Israël, le Monde pourrait voir les choses autrement cette fois-ci. Si nous continuons ainsi, peut-être qu’un jour un nouveau tribunal spécial sera créé à La Haye.
Gideon Levy
12/01/2009
Publié par
Info-Palestine.
[
1]
Choses vues de La Haye est ma traduction du titre original
Things one sees from The Hague.