9 octobre 2010

Les petits secrets de LO (suite et fin)

Que l'article Les petits secrets de LO intéresse plus d'une poignée de lecteurs est une surprise et qu'il suscite un commentaire qui invoque la loi concernant la diffamation en est une autre plus grande encore.

Laissons ce lecteur, qui se cache derrière le pseudonyme de Pierre, à ses obsessions juridico-policières. Les questions dérangent la direction de Lutte Ouvrière car, les langues se déliant via Internet, elle ne peut plus tenir ses militants dans l'ignorance de sa propre histoire [1].


Non seulement d'ex-militants, comme Thierry Jonquet [2], mais aussi d'ex-responsables témoignent des mœurs étranges de cette organisation :
- Voix des Travailleurs exclus en 1997 [Fausses raisons d'une exclusion, vraies raisons d'une rupture],
- Dominique Dumont en 1999,
- L'Étincelle exclus en 2008 [Textes].

Barta, qui est à l'origine de Lutte Ouvrière, avait dénoncé depuis longtemps les dérives organisationnelles et politiques de ce groupe :
Les problèmes fondamentaux de la construction d'un parti (et c'est l'objectif principal que vous faites figurer en tête de votre journal) sont surtout d'ordre qualitatif. Pour vous, c'est maintenant une question de vie et de mort. Rien ne sera résolu par la simple répétition ou l'accroissement du travail de la veille (en ce qui concerne la direction, bien entendu). Continuer ainsi c'est la sclérose définitive, quel que puisse être l'accroissement quantitatif. La construction d'un parti oblige à passer d'une étape à l'autre quels que soient les risques. Sinon vous serez un groupe parmi d'autres, dont le ciment sera les relations et les convenances personnelles beaucoup plus que l'attitude politique.
Barta à Bois, 11/03/1965

Possesseurs de recettes révolutionnaires salvatrices, les dirigeants de ces groupes [les différentes organisations trotskystes] agissent en dehors de l'histoire (Mai 1968 l'a bien confirmé) selon des formules et des orientations qui, valables il y a trente ans, le seront encore en l'an 2000 : quand la Révolution est tarie à la source, son ombre n'est plus reflétée que par des simulacres révolutionnaires.
Barta, août 1972
Pour Robert Barcia, les questions organisationnelles relèvent de la "petite histoire" (Lutte Ouvrière, Octobre 72) parce que son propre passé de falsificateur n'est pas avouable :
Mais en l'occurrence la référence au passé n'est pour vous qu'un alibi pour créer chez vos militants un réflexe de discipline sans réflexion politique, et de justifier votre propre rôle dirigeant.
Et "l'amour propre de parti", derrière lequel vous vous réfugiez, ne peut, pour un socialiste, tenir lieu de pensée, d'esprit critique, et de respect de la vérité.
Lettre de Louise (Irène) à la direction de Lutte Ouvrière, Décembre 1972

En effet, depuis longtemps, je déplorais l'absence d'une vie politique réelle au sein de l'organisation, l'absence d'objectifs clairement définis et, corollairement, l'absence d'une stratégie élaborée en vue d'une intervention consciente et efficace dans les événements. Chaque fois qu'un mouvement important s'est produit, nous nous sommes trouvés en dehors et, dans les meilleurs des cas, nous nous sommes contentés de suivre.
De même, plus d'une fois, j'ai ressenti nos méthodes organisationnelles comme une application caricaturale de principes vidés de tout contenu réel, du fait même de l'absence de la politique qui aurait dû constituer leur justification.
Lettre de Lucienne à la direction de Lutte Ouvrière, 8 Janvier 1973 [3]
Monsieur ou Madame Pierre va-t-il/elle intenté un procès en diffamation à tous ces témoins ?

08/10/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

[1] Il semble que les petits secrets de LO autour de la mort de Robert Barcia ne laissent pas indifférents "les amis de Lutte Ouvrière" même si beaucoup de militants ou sympathisants réagissent comme s'ils étaient atteints par le complexe de Massada une sorte de paranoïa collective. D'autres forums glosent sur le même sujet comme celui des marxistes révolutionnaires.
[2] JONQUET Thierry, Rouge c'est la vie, Seuil, 1998 [Hommage à Thierry Jonquet].
Bien avant de devenir auteur de romans policiers, Thierry Jonquet a milité un peu plus de deux ans à Lutte Ouvrière. "Je voulais interroger Hardy sur la double pratique de son organisation, dit-il. Il y a des militants dévoués. Mais, sous prétexte de clandestinité, les dirigeants sont dispensés de ce travail. Jeune militant, en 1971, je me suis fait virer du lycée à la suite d'une grève un peu tendue. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la dirigeante chargée d'inciter les jeunes lycéens à militer, à vendre le journal et à s'exprimer publiquement se cachait de ses collègues. Elle était professeur d'histoire dans un lycée parisien. On ne voit pas pourquoi les trotskistes se seraient cachés des autres profs, surtout dans les années 70. Un jour que je vendais LO devant son lycée, j'ai voulu la saluer. Elle a détourné la tête et a filé avec les autres enseignants. Le soir, au cours d'une réunion de LO, elle m'a reproché d'avoir pris le risque insensé de la faire repérer ! A LO, la piétaille prend tous les risques, mais les dirigeants sont protégés. Et c'est ça, la véritable histoire de Barcia."
[3] La publication de tous ces documents, voulue par Barta [lire aussi les dernières lettres de Barta 1975 et 1976], fut réalisée grâce au travail de Lucienne, de Louise et, plus récemment, de Richard Moyon [Archive Internet des Marxistes - Union Communiste].

8 octobre 2010

Iuxta propria principia


Des lecteurs de gauche s'alimentent de la propagande anti-chinoise de l'im-Monde sans sourciller. Ainsi, cette affirmation ne déclenche aucun commentaire :
La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, accueille, lundi 4 octobre, une conférence des Nations unies sur le réchauffement climatique qui doit préparer le rendez-vous de Cancun (Mexique), censé rattraper l'échec de Copenhague (Danemark) l'année dernière.
Le Monde
Or, Le Monde se garde bien de rappeler que les États-Unis, première puissance mondiale et premier éetteur mondial de gaz à effet de serre, n'ont pas ratifié le protocole de Kyōto ! L'Union Européenne dénonce aussi la Chine et non les États-Unis.
Selon Xie Zhenhua (vice-ministre chargé de la Commission nationale pour le Développement et la Réforme de Chine), certains pays développés n'ont toujours pas atteint leur pic d'émissions, malgré un PIB par habitant de plus de 40 000 dollars par an, et leurs émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter.
"Dans de telles circonstances, comment peut-on demander à la Chine, pays avec un PIB par habitant tout juste supérieur à 3 000 dollars, de prévoir son pic d'émissions ? ", a-t-il demandé.
Agence de Presse Xinhua
Cette hypocrisie consensuelle relève d'un réflexe colonial :
Les Occidentaux ont souvent interprété les événements chinois avec les systèmes de jugement et les paramètres historiques de leur monde au lieu d'étudier la Chine iuxta propria principia [suivant son propre principe].
On a pu voir combien l'indignatio dont le régime chinois a longtemps été l'objet n'était en réalité que pure propagande lorsqu'en octobre 2001 le président des États-Unis s'est précipité à Pékin pour courtiser la hiérarchie de l'État-parti et obtenir sa neutralité dans la guerre insensée "contre le terrorisme" déchaînée par l'Amérique aux confins de la Chine [Afghanistan].
CANFORA Luciano, L'imposture démocratique p.27 et 29.
04/10/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Protocole de Kyoto, Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques - Site en anglais.
• Département chinois pour le changement climatique, Site en anglais.
• Environnement, Agence de Presse Xinhua.

7 octobre 2010

Hommage à Claude LEFORT


Figure de l'intellectuel, engagé dans les débats politiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, toujours mobile et jamais péremptoire, le philosophe Claude Lefort est mort à l'âge de 86 ans.
Ceux qui ont suivi les cours du philosophe Claude Lefort depuis les années 60, et ont partagé avec lui ses réflexions sur le totalitarisme et sur la démocratie, n'en sont jamais sortis nantis de recettes pour penser la politique et les institutions. Il leur apprenait à douter.

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Claude Lefort, qui avait été l'élève du philosophe Maurice Merleau-Ponty dans un lycée parisien, ne s'engage pas au Parti communiste comme la plupart des intellectuels français. «Acquis à l'idée d'un marxisme antiautoritaire, je trouvais cependant absurde de suivre la ligne politique de défense inconditionnelle de l'URSS, un régime dont on pensait qu'il avait trahi les idéaux de la Révolution russe et instauré un nouveau type de domination», dit-il dans un entretien publié par Philosophie Magazine. Il entre dans un parti trotskiste, brièvement, et, en 1947, il fonde avec Cornelius Castoriadis le mouvement et la revue Socialisme ou Barbarie où l'on pratique la critique sans complaisance de la bureaucratie communiste mais aussi celle des sociétés occidentales.

Claude Lefort fonde des revues (Socialisme ou Barbarie, Texture, Libre, Passé-Présent). Il les quitte. Il fait partie de ces figures d'intellectuels français que l'on évoque aujourd'hui avec nostalgie, grande pensée, grands débats, idées généreuses, engagement… Mais il n'est pas de ceux qui passent d'une affirmation péremptoire à une autre après avoir condamné la première comme si ce n'était pas eux qui l'avaient proférée. Qui disent «je me suis trompé» avant de passer à la prochaine erreur.

Le Temps
Je recommande particulièrement la lecture de Eléments d'une critique de la bureaucratie,Tel Gallimard, 1979. Cet ouvrage de Claude Lefort, recueil d'articles publiés notamment dans les Temps modernes et Socialisme ou Barbarie, est un document capital sur les premiers débats consacrés au totalitarisme soi-disant socialiste - avant la banalisation et la vulgarisation de ce thème par les "nouveaux philosophes" des années 1970.

Lecture qui peut-être suivie ou précédée de l'ouvrage de Robert MICHELS, Les partis politiques - Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties [1912], Flammarion, 1914 et 1971 [Bibliothèque de l'école des chartes - Multitudes - Texte en ligne (anglais)]. Robert Michels, membre de la social-démocrate allemande dès le début du siècle, a très vite critiqué l'opportunisme et l'embourgeoisement du SPD [qui participera à l'Union sacrée d'août 1914] et mis ses espoirs dans le syndicalisme révolutionnaire, sans renoncer pour autant à mener le combat à l'intérieur de la IIe Internationale. Son désir de comprendre les causes de ce qu'il percevait comme une dégénérescence du mouvement socialiste l'a amené à tenter l'analyse scientifique de l'ossification administrative des "partis du prolétariat".

04/10/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Revue de presse :
• 05/10/2010, Décès de Claude Lefort, La Bataille socialiste.
• 05/10/2010, Claude Lefort ou l'énigme du politique, Libération.
• 05/10/2010, Pécresse salue en Claude Lefort un "grand penseur du fait politique", AFP-Tribune de Genève.
• 05/10/2010, Le philosophe Claude Lefort est mort, Le Monde.
• 05/10/2010, Claude Lefort est mort - C'était l'un des pionniers de l'antitotalitarisme, NouvelObs.
• 06/10/2010, Claude Lefort, un penseur de la démocratie, Le Temps.
• 06/10/2010, Claude Lefort, la passion de la démocratie, Slate.
• 06/10/2010, Claude Lefort ou la critique du totalitarisme, L'Humanité.
Dossier documentaire & Bibliographie Socialisme ou Barbarie, Monde en Question.

6 octobre 2010

Les petits secrets de LO


"Hardy, dirigeant historique de Lutte Ouvrière, est mort l'an dernier" titrait une dépêche de l'agence AFP du 16 septembre suite à un article publié par Marianne. Le lendemain, l'actuelle direction de Lutte Ouvrière toujours aussi occulte, fit une "mise au point" peu convaincante sur le fond [1].

Si Marianne reprend la thèse de la théorie du complot en vogue dans les médias dominants, la défense de Lutte Ouvrière esquive des questions plus dérangeantes :
- Pourquoi LO a caché à ses militants la mort de son dirigeant Robert Barcia ?
- Pourquoi LO a caché à ses militants les activités sociales de Robert Barcia au service de l'industrie pharmaceutique ?
- Pourquoi LO a caché à ses militants les textes de David Korner, véritable fondateur de l'organisation [2] ?

Lutte Ouvrière s'abrite derrière une tradition de la clandestinité, justifiée à une époque mais obsolète depuis longtemps, pour occulter ses pratiques organisationnelles et au bout du compte pour fuir tout débat sur la faillite du trotskysme. Lutte Ouvrière n'a ni prévu ni analysé l'implosion de l'URSS en 1991, mais s'est repliée dans un défaitisme contre-révolutonnaire comme l'illustre ce texte de son dirigeant en 1992 [3] :
Notre bilan est nul [...]. Nous sommes un petit groupe, et même pas un petit groupe. Nous ne sommes rien. [...] Implantés, nous ne le sommes dans aucune entreprise. Nous ne l'avons jamais été. Notre politique, notre stratégie a été de tenter d'être « présents » dans les plus grandes. [...] Depuis des années et des années, nous n'avons pas été en situation de déborder les organisations syndicales. Pas parce que nous sommes faibles. Mais parce que la combativité propre des travailleurs n'a pas dépassé ce que les bureaucrates pouvaient reprendre à leur compte.
À propos de La véritable histoire de Lutte Ouvrière, "une imposture sans valeur historique ni politique", lire la critique La mystification de Robert Barcia.

20/09/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi : JONQUET Thierry, Rouge c'est la vie, Seuil, 1998 [Hommage à Thierry Jonquet].
Bien avant de devenir auteur de romans policiers, Thierry Jonquet a milité un peu plus de deux ans à Lutte Ouvrière. "Je voulais interroger Hardy sur la double pratique de son organisation, dit-il. Il y a des militants dévoués. Mais, sous prétexte de clandestinité, les dirigeants sont dispensés de ce travail. Jeune militant, en 1971, je me suis fait virer du lycée à la suite d'une grève un peu tendue. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la dirigeante chargée d'inciter les jeunes lycéens à militer, à vendre le journal et à s'exprimer publiquement se cachait de ses collègues. Elle était professeur d'histoire dans un lycée parisien. On ne voit pas pourquoi les trotskistes se seraient cachés des autres profs, surtout dans les années 70. Un jour que je vendais LO devant son lycée, j'ai voulu la saluer. Elle a détourné la tête et a filé avec les autres enseignants. Le soir, au cours d'une réunion de LO, elle m'a reproché d'avoir pris le risque insensé de la faire repérer ! A LO, la piétaille prend tous les risques, mais les dirigeants sont protégés. Et c'est ça, la véritable histoire de Barcia."

[1] Revue de presse :
Robert Barcia, alias Hardy, dirigeant historique et cofondateur de Lutte ouvrière (LO), est mort l'an dernier, a-t-on appris jeudi auprès de l'organisation trotskiste, qui avait jusqu'alors maintenu le décès secret, à la demande du défunt.
Né à Paris le 22 juillet 1928, Hardy, fondateur de Lutte ouvrière, est décédé à Créteil début juillet 2009, à presque 81 ans, a révélé jeudi le site internet Marianne.
"Hardy nous avait demandé explicitement et solennellement de ne rien dire", a déclaré à l'AFP Arlette Laguiller, figure historique de LO en confirmant cette information.
"Ne pas rendre publique sa mort, ce n'était pas la cacher, c'était simplement le comportement de tout être humain normal par rapport aux dernières volontés d'un proche dans son souhait de mourrant" alors qu'il était "malade et handicapé", a-t-elle poursuivi. "Ca nous a tous touchés comme quand on perd un parent".
Robert Barcia, "quelqu'un de très modeste" qui n'était pas un théoricien, "a contribué à forger l'organisation que nous sommes aujourd'hui", a-t-elle ajouté, saluant en lui "un des pères fondateurs (de LO) comme Pierre Bois", également décédé.
"Père fondateur" ou "gourou" comme le disent les détracteurs du mouvement trotskiste ? "Vraiment, la légende du gourou et de la secte ça a toujours été ridicule. C'est le fantasme de la presse depuis longtemps", "c'est aussi ça qui a contribué à ce qu'Hardy n'ait pas envie que sa mort soit rendue publique", selon Mme Laguiller, soulignant que LO dispose d'une "direction collective avec un congrès chaque année".
"On a voulu le plus longtemps possible faire ce qu'il nous avait demandé, c'était son droit", a-t-elle fait valoir.
"On lui doit beaucoup politiquement et humainement", a également expliqué à l'AFP une autre dirigeante trotskiste: "Il avait émis la volonté qu'il n'y ait pas de manifestation quelconque, il tenait à la plus stricte intimité et c'est dans notre morale de respecter la volonté d'un camarade auquel on tenait beaucoup".
AFP-Google Actualités
Inouï: comment Lutte Ouvrière a caché la mort de Hardy, son chef occulte, Marianne.
Mise au point : à propos du décès de Hardy, Lutte Ouvrière.
[2] David KORNER, alias Barta, fut le véritable fondateur de Lutte Ouvrière et d'une autre trempe que Robert Barcia, alias Hardy. Les textes de Barta, qui n'intéressent peut-être que quelques rares historiens, sont accessibles sur les sites Archive Internet des Marxistes et Union Communiste.
[3] Lire :
• LEFORT Serge, "Notre bilan est nul", L, 2002.
• Nature de l'URSS (puis de la Russie) et démocratie interne, La Bataille socialiste.

5 octobre 2010

Féminisme réactionnaire


Sakineh Mohammadi-Ashtiani, condamnée pour le meurtre de son mari mais non exécutée au pays des fondamentalistes islamiques, "suscite une forte émotion en Occident" alors que Teresa Lewis, condamnée pour le meurtre de son mari et exécutée au pays des fondamentalistes chrétiens, n'a suscité aucune réaction en Occident.
Plusieurs manifestations de soutien à Sakineh Mohammadi-Ashtiani, l'Iranienne condamnée à mort par lapidation pour adultère et meurtre et dont le sort suscite une vague d'émotion en Occident, se sont tenues samedi dans toute la France.
Le Point
Les organisatrices Ni putes ni soumises, la Ligue du droit international des femmes et le Mouvement pour la paix et contre le terrorisme font preuve comme d'habitude d'une compassion bien sélective et bien réactionnaire. Car, sous prétexte de défendre la cause d'une femme, il s'agit de se ranger derrière Israël contre l'Iran.
En France, la mobilisation de la société civile et du monde politique s'est accrue pour sauver cette Iranienne d'un châtiment qualifié de "moyenâgeux" par Nicolas Sarkozy. Le Président a ajouté que la France estimait avoir "la responsabilité" de cette femme. Une pétition a été lancée mi-août, à Paris. Les anciens présidents Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing ont signé ce texte qui reçoit de 1.800 à 2.000 signatures par jour. Téhéran et les pays occidentaux sont engagés depuis 2006 dans un bras de fer sur le programme nucléaire iranien. Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté quatre séries de sanctions contre l'Iran pour l'obliger à cesser l'enrichissement d'uranium. Jusqu'à présent, il n'a pas cédé.
Le Point
L'Iran comme la Chine font l'objet d'un traitement selon des critères qui ne sont pas appliqués aux pays occidentaux. Ainsi, il serait urgent de défendre le droit des femmes en Iran, mais pas aux États-Unis ! Le féminisme sert en l'occurrence de voile aux vieilles ambitions coloniales européennes.

On oublie facilement le pillage de la Chine pendant un siècle par les puissances occidentales comme on oublie le coup d'État anglo-américain, exécuté par la CIA, pour rétablir le pouvoir du Chah contre Mohammad Mossadegh et préserver ainsi les intérêts occidentaux dans l'exploitation des gisements pétrolifères iraniens [1].

France Culture a organisé une journée politiquement correct pour soi-disant "faire entendre la voix des femmes en Iran". Il suffit d'écouter, dans l'émission Du grain à moudre, les vociférations post-colonialistes de Wassyla Tamzali contre les femmes d'Iran pour se rendre compte de l'hypocrisie de cette opération politico-médiatique. Azadeh Kian, elle, parle des luttes sociales des femmes iraniennes - réalité totalement ignorée par les féministes parisiennes qui prétendent parler au nom des femmes du monde entier [2].

30/09/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• À propos de Sakineh et de Teresa, L'Expression.
Dossier documentaire & Bibliographie Féminisme, Monde en Question.

[1] Sélection bibliographique :
• TIBON-CORNILLOT Michel, Les guerres de l'opium ou l'écrasement de la Chine, Dedefensa.
• TIBON-CORNILLOT Michel, La Chine en enfer : pillages et génocides blancs, Dedefensa.
L'étendue des désastres liés aux guerres de l'opium, et plus généralement, à la destruction des institutions impériales chinoises est massivement ignorée par la plupart des chercheurs et des hommes politiques français. Ces pillages, famines, répressions, durèrent un siècle, de 1840, la défaite chinoise devant les troupes anglaises, à 1949, l'arrivée des communistes au pouvoir. Les chercheurs anglo-saxons, bien meilleurs connaisseurs de cette période, évaluent le nombre des victimes dans une fourchette oscillant entre 120 et 150 millions en un siècle.
• Mohammad Mossadegh, Wikipédia.
• DIGEARD Jean-Pierre, HOURCADE Bernard, RICHARD Yann Richard, L'Iran au XXe siècle - Entre nationalisme, islam et mondialisation, Fayard, 2007.
On se représente souvent l'Iran comme un empire des Mille et une nuits qu'une révolution aurait fait sombrer dans le Moyen Age. Cet ouvrage en donne une image moins simpliste, celle d'un pays qui a réussi à se libérer de la tutelle de l'Occident alors que ses richesses en pétrole en avaient fait l'objet de toutes les convoitises. Celle d'un pays à la civilisation plusieurs fois millénaire, mais à l'identité complexe puisque les non-Persans y forment près de la moitié de la population. Un pays, enfin, dont l'histoire, depuis la Seconde Guerre mondiale, n'a cessé d'avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières, et qui est parvenu à s'imposer comme puissance régionale.
Tout au long du XXe siècle et jusqu'à nos jours, l'Iran a surmonté tant bien que mal de nombreuses crises qui, paradoxalement, lui ont permis de se construire une nouvelle identité. Les aspirations démocratiques sous les Qâjar, l'autoritarisme réformateur de Rezâ Shâh, le nationalisme intransigeant de Mosaddeq, les ambitions modernisatrices de Mohammad-Rezâ Shâh, l'obsession de revanche et les conceptions populistes de Khomeyni et de ses émules ont amené le pays à de douloureuses transitions dont certaines ont constitué de véritables révolutions : mouvement constitutionnaliste, nationalisation des pétroles, réforme agraire, urbanisation, soulèvement islamique.
Loin d'être une survivance du passé, l'Iran apparaît aujourd'hui comme un laboratoire des évolutions du tiers-monde. Alors qu'il doit faire face à de nouvelles menaces à ses frontières, il affiche plus que jamais sa volonté de faire entendre sa voix sur la scène internationale, non sans mêler provocations inutiles et revendications légitimes.
[2] Sélection bibliographique :
• Journée spéciale femmes d'Iran, France Culture.
• Existe-t-il un féminisme islamique ?, Du grain à moudre.
• KIAN-THIÉBAUT Azadeh, Bio-blibliographie, Département de Science Politique - Université Paris 8.
• KIAN-THIÉBAUT Azadeh, Articles, Abstracta Iranica - Libération.
• KIAN-THIÉBAUT Azadeh, L'Islam, les femmes et la citoyenneté, Pouvoirs n°104, 2003.
• KIAN-THIÉBAUT Azadeh, Le féminisme et l'islam, La vie des idées, 2007.
• KIAN-THIÉBAUT Azadeh, Les femmes iraniennes entre Islam, État et Famille, Maisonneuve et Larose, 2002 [BiblioMonde].
Vingt-trois ans après son avènement, la République islamique d'Iran doit faire face à un peuple qui, dans sa majorité, ne s'identifie pas avec le projet de société des partisans du Guide suprême, dont l'islamisation des institutions et des lois constitue le principe fondamental.
Ce livre, fondé largement sur des enquêtes de terrain en Iran, souligne la contribution des femmes iraniennes au rejet de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Elles sont les principales protagonistes de changement et vectrices des valeurs de la modernité mondiale. L'idée motrice de ce travail est de réfuter une distinction catégorique entre les mondes occidental et musulman, qui a resurgi en échos médiatique et propagandiste aux appels de Georges Bush et de Ben Laden. Les changements fondamentaux survenus au sein de la société iranienne devenue moderne dans son ensemble, les luttes des femmes pour obtenir des droits égaux, la nouvelle dynamique familiale, les changements démographiques, et les nouveaux comportements politiques sont autant d'éléments qui confortent cette idée. Face à ceux qui utilisent l'islam pour justifier les discriminations sexuelles et conforter la logique patriarcale et la domination masculine, les femmes iraniennes se nourrissent de la même religion pour contester les rapports sociaux de sexe, à travers sa ré-interprétation au féminin. Conscientes du chemin à parcourir mais encouragées par les résultats de leurs luttes, les femmes, laïques comme religieuses, contribuent à la construction sociale de la laïcité et à l'avènement d'un système démocratique qui a pour condition préalable la séparation des sphères religieuse et politique.

4 octobre 2010

L'im-Monde propagande anti-chinoise


PSA Peugeot Citroën séduit la Chine

Quand une entreprise chinoise investit à l'étranger les médias dominants ont recours au champ lexical de la guerre. Ainsi l'im-Monde assimile l'investissement de deux compagnies pétrolières publiques chinoises dans une société brésilienne à la colonisation de l'Amérique latine par les "conquistadors chinois" [1]. L'Amérique latine fut en effet conquise et colonisée, mais, petit détail, par l'Europe catholique à partir de la fin du XVe siècle.

Quand une entreprise française investit en Chine les médias dominants ont recours à un autre champ lexical, celui du darwinisme social c'est-à-dire de la saine compétition entre prédateurs. Ainsi au Mondial de l'automobile, tous les constructeurs rêvent de croissance par la conquête du marché chinois.
En Chine, où [Volkswagen] est leader, il compte investir plus de 6 milliards d'ici à 2012 pour porter ses capacités à 3 millions contre 2 millions actuellement. Mais il a invité ses salariés à ne pas commettre l'erreur d'être "arrogants". [Ne pas réclamer des augmentations se salaire, de meilleures conditions de travail, etc.] "Chaque jour, nous devons être les meilleurs et ne pas nous reposer sur nos lauriers." [Travailler plus pour gagner moins !]
Le Monde
L'éditorial de l'im-Monde du jour précédent a fait encore plus fort dans le racisme anti-chinois.
La mer de Chine vient de connaître un avis de tempête politico-stratégique. Un de ces moments qui resteront dans l'histoire de la région ; un épisode qui a marqué tous les riverains et mis en lumière le profil inquiétant de la Chine - celui d'une puissance brutale, au nationalisme à vif, prête à intimider ses voisins.
Le Monde
Cette affaire est un vieux conflit territoriale d'îlots en mer de Chine entre le Japon et la Chine. L'éditorialiste, qui prend parti pour le nationalisme japonais contre le nationalisme chinois, oublie de dire que ces huit îles et rochers sont aussi revendiquées par la République de Chine de Taïwan et il passe un peu vite sur la prétention des États-Unis à maintenir ses "intérêts en mer de Chine" comme si cela allait de soi.

L'im-Monde se contente de publier par copier-coller une dépêche AFP sur un fait beaucoup plus important que ce conflit frontalier à savoir le fait que la Chine apporte un soutien financier à la Grèce abandonnée par l'Europe comme elle l'avait fait en faveur de l'Islande minée par sa dette après la crise financière mondiale de septembre 2008 [2].

Derrière l'anonymat de l'éditorialiste du Monde se cache peut-être Jean-Luc Domenach, membre de la Société Hubert Beuve-Méry (Le Monde) et chroniqueur régulier à La Croix (quotidien catholique dirigé par Bruno Frappat, ancien directeur de la rédaction du Monde), qui est complaisamment reçu partout pour baver contre la Chine [3].

02/09/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Chine, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Racisme, Monde en Question.

[1] La Chine part à la conquête du Nouveau Monde, Le Monde du 27/09/2010.
[2] Dans la tourmente financière, la Grèce soutenue par la Chine, Le Monde du 02/10/2010.
Lire aussi :
• Signature de 13 accords entre la Chine et la Grèce, Agence de Presse Xinhua.
• Le PM chinois fait une proposition en cinq points sur les relations entre la Chine et la Grèce, Agence de Presse Xinhua.
• Le PM chinois appelle au renforcement des relations Chine-UE, Agence de Presse Xinhua.
• La Chine va renforcer ses liens avec l'Islande , Agence de Presse Xinhua.
• La dette de l'Europe de l'Est ne sera pas remboursée, ContreInfo.
[3] Écouter ses diatribes haineuses sur la radio de l'Empire colonial français : RFI.