"Hardy, dirigeant historique de Lutte Ouvrière, est mort l'an dernier" titrait une dépêche de l'agence AFP du 16 septembre suite à un article publié par Marianne. Le lendemain, l'actuelle direction de Lutte Ouvrière toujours aussi occulte, fit une "mise au point" peu convaincante sur le fond [1].
Si Marianne reprend la thèse de la théorie du complot en vogue dans les médias dominants, la défense de Lutte Ouvrière esquive des questions plus dérangeantes :
- Pourquoi LO a caché à ses militants la mort de son dirigeant Robert Barcia ?
- Pourquoi LO a caché à ses militants les activités sociales de Robert Barcia au service de l'industrie pharmaceutique ?
- Pourquoi LO a caché à ses militants les textes de David Korner, véritable fondateur de l'organisation [2] ?
Lutte Ouvrière s'abrite derrière une tradition de la clandestinité, justifiée à une époque mais obsolète depuis longtemps, pour occulter ses pratiques organisationnelles et au bout du compte pour fuir tout débat sur la faillite du trotskysme. Lutte Ouvrière n'a ni prévu ni analysé l'implosion de l'URSS en 1991, mais s'est repliée dans un défaitisme contre-révolutonnaire comme l'illustre ce texte de son dirigeant en 1992 [3] :
Notre bilan est nul [...]. Nous sommes un petit groupe, et même pas un petit groupe. Nous ne sommes rien. [...] Implantés, nous ne le sommes dans aucune entreprise. Nous ne l'avons jamais été. Notre politique, notre stratégie a été de tenter d'être « présents » dans les plus grandes. [...] Depuis des années et des années, nous n'avons pas été en situation de déborder les organisations syndicales. Pas parce que nous sommes faibles. Mais parce que la combativité propre des travailleurs n'a pas dépassé ce que les bureaucrates pouvaient reprendre à leur compte.À propos de La véritable histoire de Lutte Ouvrière, "une imposture sans valeur historique ni politique", lire la critique La mystification de Robert Barcia.
20/09/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
Lire aussi : JONQUET Thierry, Rouge c'est la vie, Seuil, 1998 [Hommage à Thierry Jonquet].
Bien avant de devenir auteur de romans policiers, Thierry Jonquet a milité un peu plus de deux ans à Lutte Ouvrière. "Je voulais interroger Hardy sur la double pratique de son organisation, dit-il. Il y a des militants dévoués. Mais, sous prétexte de clandestinité, les dirigeants sont dispensés de ce travail. Jeune militant, en 1971, je me suis fait virer du lycée à la suite d'une grève un peu tendue. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la dirigeante chargée d'inciter les jeunes lycéens à militer, à vendre le journal et à s'exprimer publiquement se cachait de ses collègues. Elle était professeur d'histoire dans un lycée parisien. On ne voit pas pourquoi les trotskistes se seraient cachés des autres profs, surtout dans les années 70. Un jour que je vendais LO devant son lycée, j'ai voulu la saluer. Elle a détourné la tête et a filé avec les autres enseignants. Le soir, au cours d'une réunion de LO, elle m'a reproché d'avoir pris le risque insensé de la faire repérer ! A LO, la piétaille prend tous les risques, mais les dirigeants sont protégés. Et c'est ça, la véritable histoire de Barcia."
[1] Revue de presse :
• Robert Barcia, alias Hardy, dirigeant historique et cofondateur de Lutte ouvrière (LO), est mort l'an dernier, a-t-on appris jeudi auprès de l'organisation trotskiste, qui avait jusqu'alors maintenu le décès secret, à la demande du défunt.
Né à Paris le 22 juillet 1928, Hardy, fondateur de Lutte ouvrière, est décédé à Créteil début juillet 2009, à presque 81 ans, a révélé jeudi le site internet Marianne.
"Hardy nous avait demandé explicitement et solennellement de ne rien dire", a déclaré à l'AFP Arlette Laguiller, figure historique de LO en confirmant cette information.
"Ne pas rendre publique sa mort, ce n'était pas la cacher, c'était simplement le comportement de tout être humain normal par rapport aux dernières volontés d'un proche dans son souhait de mourrant" alors qu'il était "malade et handicapé", a-t-elle poursuivi. "Ca nous a tous touchés comme quand on perd un parent".
Robert Barcia, "quelqu'un de très modeste" qui n'était pas un théoricien, "a contribué à forger l'organisation que nous sommes aujourd'hui", a-t-elle ajouté, saluant en lui "un des pères fondateurs (de LO) comme Pierre Bois", également décédé.
"Père fondateur" ou "gourou" comme le disent les détracteurs du mouvement trotskiste ? "Vraiment, la légende du gourou et de la secte ça a toujours été ridicule. C'est le fantasme de la presse depuis longtemps", "c'est aussi ça qui a contribué à ce qu'Hardy n'ait pas envie que sa mort soit rendue publique", selon Mme Laguiller, soulignant que LO dispose d'une "direction collective avec un congrès chaque année".
"On a voulu le plus longtemps possible faire ce qu'il nous avait demandé, c'était son droit", a-t-elle fait valoir.
"On lui doit beaucoup politiquement et humainement", a également expliqué à l'AFP une autre dirigeante trotskiste: "Il avait émis la volonté qu'il n'y ait pas de manifestation quelconque, il tenait à la plus stricte intimité et c'est dans notre morale de respecter la volonté d'un camarade auquel on tenait beaucoup".
AFP-Google Actualités
• Inouï: comment Lutte Ouvrière a caché la mort de Hardy, son chef occulte, Marianne.
• Mise au point : à propos du décès de Hardy, Lutte Ouvrière.
[2] David KORNER, alias Barta, fut le véritable fondateur de Lutte Ouvrière et d'une autre trempe que Robert Barcia, alias Hardy. Les textes de Barta, qui n'intéressent peut-être que quelques rares historiens, sont accessibles sur les sites Archive Internet des Marxistes et Union Communiste.
[3] Lire :
• LEFORT Serge, "Notre bilan est nul", L, 2002.
• Nature de l'URSS (puis de la Russie) et démocratie interne, La Bataille socialiste.
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