Immanuel Wallerstein est admiré comme un sociologue proche du mouvement altermondialiste. Ses analyses ne sont pourtant pas toujours à la hauteur de sa réputation, à propos de la Chine (nous y reviendrons) ou de qu'on nomme le monde arabe. Son dernier commentaire, traduit en français, révèle des failles [1].
La première faille de Wallerstein concerne l'impasse du colonialisme :
La Révolte arabe de 1916 avait été conduite par Chérif Hussein ibn Ali pour arracher l'indépendance arabe à l'empire ottoman. Les Ottomans furent évincés. Cette grande révolte avait, toutefois, été cooptée par les Britanniques et les Français. Après 1945, les différents États arabes devinrent progressivement membres indépendants des Nations unies. Mais dans la plupart des cas, ces indépendances furent cooptées par les États-Unis, ceux-ci étant devenus les successeurs de la Grande-Bretagne comme puissance tutélaire extérieure, tandis que la France continuait de jouer un rôle seulement au Maghreb et au Liban.Wallerstein ne précise pas que les puissances impérialistes britannique et française se sont partagées les dépouilles de l'empire ottoman en occupant les territoires arabes (Syrie, Palestine, Liban, Irak, Arabie) avec la complicité de la Société des Nations. La France s'était emparée de l'Algérie en 1830 et de la Tunisie en 1881 et la Grande-Bretagne de l'Egypte en 1882.
La deuxième faille de Wallerstein concerne l'impasse de l'État d'Israël dans son décompte des gagnants et des perdants :
Mais qu'en est-il des puissances extérieures, lourdement impliquées dans des tentatives visant à contrôler la situation ? Le principal acteur extérieur sont les États-Unis. Un deuxième est l'Iran. Tous les autres (la Turquie, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine) sont moins importants mais néanmoins significatifs.Wallerstein oublie de mentionner que l'État d'Israël a peur du changement en cours au Moyen Orient car il redoute que la vague de soulèvements populaires dans la région puissent inspirer les Palestiniens qui vivent sous l'occupation depuis plus de 40 ans. [2]. C'est pourquoi le gouvernement israélien a soutenu Hosni Moubarak comme il avait soutenu le régime de l'Apartheid en Afrique du Sud... jusqu'à la dernière seconde.
La troisième faille de Wallerstein concerne sa référence convenue aux "peuples arabes" :
Et bien entendu, les plus grands gagnants de la deuxième Révolte arabe seront, avec le temps, les peuples arabes.Wallerstein, obnubilé par le jeu géopolitique des puissances régionales et mondiales au Moyen Orient, oublie de rappeler que, s'ils font les révolutions, les peuples restent exclus du pouvoir [3].
28/02/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
Lire aussi : Dossier documentaire & Bibliographie Immanuel WALLERSTEIN, Monde en Question.
[1] Immanuel WALLERSTEIN, La deuxième Révolte arabe : gagnants et perdants, Fernand Braudel Center, 01/02/2011.
[2] Lire aussi :
• Revue de presse Egypte, Monde en Question, 07/02/2011.
• Serge LEFORT, Le changement dans la continuité en Egypte, Monde en Question, 12/02/2011.
[3] Lire aussi :
• Serge LEFORT, Le spectre d'une révolution sociale, Monde en Question, 07/02/2011.
• Les révolutions ne garantissent pas la démocratie, Reuters-Yahoo! Actualités, 13/02/2011.
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