4 mai 2009

Risque & Crise (4)

Quel mode de raisonnement est le mieux adapté aux crises majeures ?

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Lorsque l’on est brutalement convoqué sur ces nouveaux terrains, le réflexe normal est de se recroqueviller, de façon encore plus déterminée, à l’intérieur des visions du passé.

On l’a vu, par exemple, au moment de la rupture de la Première Guerre mondiale : le plan XVII, qui servait de référence, à partir de conceptions d’un autre âge, a été maintenu comme armature générale de la réplique française jusqu’à ce que les armées allemandes soient aux portes de Paris. Jusqu’au seuil de la déroute, il fut impossible de faire réfléchir à l’éventualité, et même la réalité, d’une violation du territoire de la Belgique – une impossibilité absolue dans les références habituelles : le général Lanrezac, qui ne cessait de mettre en question les hypothèses du Grand Quartier général fut limogé. De même, impossible de faire réfléchir sur le caractère totalement inadapté du pantalon rouge : « Supprimer le Pantalon rouge, Jamais ! Le Pantalon rouge, c’est la France ! », comme le déclama un ancien ministre de la Guerre à la Chambre lorsque son successeur tenta de passer à des couleurs moins voyantes. Ou encore, quand on commença à poser des questions sur l’aviation : « L’aviation, c’est pour le tourisme ! ».

L’enjeu fondamental est d’être en phase avec les défis de son temps. Bien que plongé dans l’ère industrielle, on est entré en guerre, en 1914, avec une culture des temps agraires. Comme le dit le stratège chinois Sun Tsu : « Qui ne connaît pas ses risques, qui ne se connaît pas soi-même, sera défait à chaque bataille. » Et l’ajustement aux défis effectifs est une exigence à satisfaire en continu. Comme me le confiait un responsable britannique : « En 1914, nous avons été presque totalement préparés. En 1940, nous étions totalement préparés… à la Guerre de 1914. »

Aujourd’hui, à l’ère des grands « cyclones » planétaires conjuguant de multiples dimensions du risque, toutes marquées par des sauts quantitatifs et qualitatifs, le défi est double : ne pas succomber au syndrome de la tétanisation ; inventer des sorties par le haut – qui restent largement à inventer.
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Réflexions à chaud sur la grippe A/H1N1

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Par ailleurs, les données épidémiologiques du Mexique ne sont pas accompagnées des indications sur les conditions d’observation qui permettraient de les interpréter en profondeur (on dispose de données brutes sans information méthodologique et d’élément de compréhension structurelle). Ceci nous conduit à penser que, sans lâcher l’attention et en continuant de verrouiller les dispositifs de lutte par prudence, il est nécessaire aujourd’hui de faire l’effort de maintenir ouverte la question suivante (en assumant son caractère paradoxal) : « et si, contrairement à ce que l’on observe souvent, nous étions pris, cette fois, dans une dynamique de sur-réaction, avec entrainement technique et organisationnel et effet de cliquet, non assortis d’une prise de recul suffisante ? » Il n’est pas possible d’avoir de certitude à cette heure, mais au moins doit-on garder une capacité d’interrogation, de prise de recul constant pour accompagner les décisions et, le cas échéant, introduire quelque prudence dans la communication. Il est clair que si finalement la gravité épidémique s’avère sans rapport avec la puissance des mesures prises, et si aucune précaution de présentation n’a été prise (sur le thème que c’est pour l’heure la moins mauvaise décision et que s’il y a non confirmation de la gravité de l’épidémie il restera un exercice international très instructif), les risques en termes de perte de crédibilité sont sévères. Et les risques économiques sont également colossaux.

Si finalement au contraire le niveau des mesures actuellement prises s’avèrent adaptées et adéquates, avoir gardé à l’esprit la paradoxale question de la possible sur-réaction devrait avoir permis d’améliorer les ajustements et l’usage des plans comme des outils bien compris.
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Pour aller plus loin :
• Pandémie grippale, éthique, société, Espace éthique
• Textes de Patrick Lagadec
• Revue de presse Grippe A/H1N1, Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Risque et Gestion du risque, Monde en Question.

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