26 août 2013

Khatyn vs Katyń

En 1943, le village de Khatyn (Хатынь en russe), situé près de Minsk, fut totalement détruit après le massacre de toute la population par un bataillon SS et un bataillon de miliciens biélorusses. En 1969, ce lieu inhabité fut déclaré Mémorial national de guerre.
En 1940, le village de Katyń (Катынь en russe), situé près de Smolensk, fut le théâtre du massacre d’officiers et de plusieurs milliers de civils polonais par le NKVD (police politique de l’URSS). En 1990, Mikhaïl Gorbatchev reconnut la responsabilité de l’URSS.

Ces deux massacres sont le sujet respectivement du film Idi i smotri d’Elem Klimov (1984), adapté de la nouvelle d’Ales Adamovitch (Le récit de Khatyne) et Katyń d’Andrzej Wajda (2007), adapté du roman d’Andrzej Mularczyk (Post mortem – Le roman de Katyń).
Le film d’Elem Klimov est un chef-d’œuvre cinématographique, mais trop politiquement correct. Celui d’Andrzej Wajda est un très conventionnel et trop national-catholique. Katyń est aujourd’hui plus connu que Khatyn comme si la mémoire d’un massacre devait effacer un autre.

Idi i smotri – Requiem pour un massacre

Elem Klimov a réalisé un très grand film de guerre sans montrer une seule bataille. Il raconte les horreurs de la guerre qui broie tout le monde, combattants et civils, et s’achève sur le massacre des habitants de Khatyn en 1943.

La mise en scène relève d’un réalisme naturaliste qui décrit la guerre vécue par le jeune Florya et, en contrepoint, d’un réalisme poétique incarné par le personnage de Glasha. Deux scènes illustrent le style d’Elem Klimov.

Florya et Glasha errent dans la forêt quand explosent des bombes larguées par des avions. L’image paraît banale tant nous sommes habitués à voir ce type de scène dans les films hollywoodiens. La bande son, construite à partir de cris d’animaux et d’effets électroniques, nous fait vivre avec brio le trouble de Florya qui est littéralement sonné.
À la fin du film, Florya tire sur un portrait de Hitler tombé dans la boue pendant que défilent des images d’archives en remontant le cours du temps. La caméra s’arrête sur une photo d’Hitler encore enfant sur laquelle Florya ne tire pas. "Parce qu’un enfant est si précieux qu’il ne faut pas le tuer, même s’il s’agit d’Hitler", explique Elem Klimov.

Ambiguïté de cet arrêt sur image alors que tout le film fait le jeu de la doxa selon laquelle seul Hitler serait le seul responsable de la guerre. Si le régime tsariste sombra au cours de la première Guerre mondiale, la bureaucratie stalinienne se renforça après la Seconde en colonisant une partie de l’Europe. Les États-Unis accrurent leur puissance économique en colonisant l’autre partie, la plus riche, via le plan Marshall. La lutte contre la nazisme fut donc l’alibi d’un nouveau partage du monde.

Fiche : AlloCiné
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Critiques : DVD Classik

Katyń

Andrzej Wajda nous inflige un long pensum académique pour dénoncer le massacre de Katyń d’un point de vue nationaliste et anti-communiste. Du coup, la réalité des faits se dilue dans une fiction mélodramatique. La dernière scène ne sauve pas le film de l’ennui d’une pesante "leçon d’histoire".

Wajda est le cinéaste polonais officiel, avant comme après l’ère communiste. En 1972, il devint président de l’Union des cinéastes polonais et diriga l’ensemble X, organisme chargé de produire les films polonais. Il apparait donc comme un opportuniste qui s’est compromis avec avec le pouvoir qu’il a dénoncé après que le vent de l’Histoire ait tourné. Dans son livre publié en 1987 (Polskie, arcypolskie), Andrzej Werner, un critique littéraire et cinématographique respecté, accusait Wajda d’opportunisme idéologique, et de s’être prêté à un compromis esthétique et politique.

Fiche : AlloCiné
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Critiques : La Cinémathèque française
• Khatyn — Another hoax, The Journal of Historical Review, 1980.
• Katyn: A difficult road to the truth, RIA Novosti, 12/04/2010.
• 1 article sur Khatyn RIA Novosti.
• 208 articles sur Katyń RIA Novosti.
• Wajda par Wajda : une leçon de cinéma, Canal-U.

23/08/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

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