15 juin 2018

L'expulsion [des musulmans d'Espagne]

Bibliographie littérature
Bibliographie histoire

1609-1610 : Philippe III d'Espagne et le duc de Lerma décident d'expulser les morisques de la Péninsule ibérique. Ces cinq cent mille hommes et femmes, nés en Andalousie, sont les descendants des populations musulmanes converties au christianisme plus d'un siècle auparavant, et, pour la plupart, travaillent sur les terres des Grands d'Espagne comme cultivateurs, jardiniers, artisans. Embarqués de force dans des navires loués aux Vénitiens, aux Génois et aux Français, les morisques sont envoyés malgré eux en Afrique du Nord, soupçonnés d'apostasie et de trahison.

Cette trame historique est la toile de fond du nouveau roman de Michel del Castillo, où se côtoient les figures emblématiques de cet épisode tragique de l'histoire d'Espagne : celles du roi et de son favori, des représentants de l'armée, des Grands, de l'Église, mais aussi celles, plus juvéniles et plus humbles, de leurs victimes ou de leurs ennemis.

Michel del Castillo livre un roman troublant dont les racines plongent dans cette Espagne qui lui est si chère et nous rappelle un épisode oublié qui fait écho à la sourde angoisse planant aujourd'hui sur l'Europe.

Michel DEL CASTILLO, L'expulsion, Fayard, 2018 [Texte en ligne].

Résumé de l'histoire de l'expulsion des morisques

L'avancée de la Reconquête au XIIe et XIIIe siècle a entraîné une conséquence : la naissance d'une nouvelle minorité, celle des mudéjares ou musulmans tributaires d'un souverain chrétien. La prise de Tolède (1085) et celle de Saragosse (1118) fait passer sous domination chrétienne des masses humaines que l'on ne peut pas ou que l'on ne veut pas chasser.

Les musulmans demeurés en terre devenue chrétienne se retrouvent placés dans une situation de subordination plus o moins bien supportée, malgré les proclamations rassurantes des souverains chrétiens qui promettent de respecter leur langue, leur culte, leur droit et leurs coutumes. On a ainsi vu Alphonse VI se proclamer "empereur des deux religions" au lendemain de la prise de Tolède, mais la grande mosquée sera transformée en cathédrale très tôt, en dépit des promesses d'Alphonse VI. Dans la plupart des régions concernées, la Reconquête entraîne, immédiatement ou à l'issue de révoltes ultérieures, une forte émigration des musulmans vers le royaume nasride de Grenade ou vers l'Afrique du Nord et les déclarations rassurantes des souverains chrétiens s'expliquent davantage par un calcul opportuniste (il s'agit de retenir et contrôler désormais les fortes populations musulmanes pour mettre le pays en valeur) que par un souci de "tolérance" bien anachronique. Des communautés mudéjares (de l'arabe muddagan qui évoque, pour un animal, le fait d'être apprivoisé, dompté) demeurent cependant dans les huertas de Valence et de Murcie, ainsi que dans la vallée de l'Èbre. Ils constituent une main-d'œuvre agricole experte et peu exigeante. Dans ces régions, les musulmans sont à la fois plus nombreux et plus regroupés que dans la Couronne de Castille où ils sont beaucoup plus dispersés.

Les morisques sont les descendants des musulmans d'Espagne convertis de force au catholicisme. Les capitulations de Grenade de novembre 1491 avaient garanti aux musulmans le libre exercice de leur culte. Les Rois Catholiques espéraient qu'ils finiraient par se convertir mais n'envisageaient pas de les y contraindre. Mais, étant donné que les conversions étaient trop lentes et trop peu nombreuses, en 1499 le cardinal Cisneros est chargé d'accélérer le mouvement. Les mudéjares de Grenade en 1501, puis ceux de l'ensemble du royaume de Castille en 1502, furent contraints de se convertir ou de quitter l'Espagne. À Valence, les mudéjares furent baptisés de force et la mesure fut étendue à tous les musulmans de la Couronne d'Aragon en 1525. À cette date, il n'y a plus officiellement de musulmans en Espagne. La réalité est tout autre et personne n'est dupe. Les morisques restent ce qu'ils étaient : des musulmans.

Dans le nord, le centre et même en Andalousie –en dehors du royaume de Grenade- les morisques sont peu nombreux et dispersés dans de petites communautés urbaines où ils sont en voie d'assimilation. Les morisques sont surtout concentrés dans trois zones : l'Aragon, Valence et Grenade. Dans les deux premières, ils mènent une existence précaire sans chefs pour les guider et les conseiller. À Grenade, au contraire, ils ont conservé leurs élites religieuses et sociales. Partout, ils sont placés sous la domination de seigneurs qui les exploitent durement, mais les protègent contre les tracasseries de l'administration dans la mesure où ils représentent une main-d'œuvre laborieuse, docile et efficace.

En 1566 on publia à Madrid une série d'interdictions et de mesures pour contraindre la population à s'assimiler : il leur est interdit de parler arabe, de célébrer leurs fêtes traditionnelles, de porter de vêtements spécifiques… Après deux années de vaines négociations, les Morisques des Alpujarras se soulevèrent le 24 décembre 1568, tentant d'entraîner ceux de l'Albaicín. La guerre des Alpujarras avait commencé. En avril 1569, don Juan d'Autriche fut chargé de mater la rébellion. Le 1er novembre 1570, on décida d'envoyer tous les Morisques du royaume de Grenade en Castille, en Andalousie occidentale et en Estrémadure. Une première vague de 50.000 personnes fut ainsi déportée pendant l'hiver 1570-1571. On estime que 30% des Morisques moururent en route entre le 1er novembre 1570 et le printemps 1571.

Un thème prend de l'ampleur dans les années 1580, celui des morisques comme ennemis de l'intérieur, prêts à faire alliance avec l'ennemi extérieur, les Turcs. L'idée d'une expulsion fait des progrès L'expulsion définitive des Morisques de la Couronne d'Aragon fut décrétée le 4 avril 1609 et celle des Morisques d'Andalousie et de Murcie prit effet le 10 janvier 1610. Au total, 300.000 personnes furent expulsées d'Espagne. Les Morisques déportés trouvèrent refuge principalement au Nord du Maghreb. Au Maroc, ils s'installèrent surtout à Rabat, Salé, Fès et les principales villes du Nord-marocain comme Tanger, Tétouan, Chefchaouen, Asilah et Larache. En Algérie, ils s'installèrent notamment à Oran, Tlemcen, Alger, Cherchell, Nedroma, Koléa ainsi que d'autres villes. En Tunisie, les villes de Tunis et Testour sont connues pour avoir accueilli un grand nombre de réfugiés morisques.

Source : Mudejares et morisques, Histoire de l'Espagne

Lire aussi :
Fernand BRAUDEL, Conflits et refus de civilisation : espagnols et morisques au XVIe siècle, Annales, 1947.
Louis CARDAILLAC, Vision des morisques et de leur expulsion, quatre cents ans après, Cahiers de la Méditerranée, 2009.
Raphaël CARRASCO, Les morisques au XVIe siècle : de l'échec de l'évangélisation à la répression généralisée, Cahiers d'études du religieux, 2008.
Jean-Pierre DEDIEU, Les morisques, des étrangers sur leur propre sol, SITE - pdf, 2011.
Bernard DUCHARME, Les Morisques : loyaux sujets ou maladie de la République ?, Cahiers d'histoire, 2014.
Isabelle POUTRIN, L'évêque Esteve et les morisques - Un projet policier pour la conversion (Espagne, fin XVIe siècle), Conversion/Pouvoir et religion, 2015.
Marc TERRISSE, La diaspora morisque : une histoire globale méconnue, Hommes & Migrations, 2016.
Rodrigo de ZAYAS, L'expulsion des morisques d'Espagne, Le Monde diplomatique, 1997.
Index Littérature, Monde en Question.
Veille informationnelle Livres, Monde en Question.
Dossier documentaire Histoire, Monde en Question.

13 juin 2018

Ce nain que je ne saurais voir !


Réalisateur : Christophe Bier
Durée : 0h54
Année : 2005
Pays : France
Genre : Documentaire
Résumé : Un documentaire sur les nains et leurs rôles dans le cinéma.
Fiche : IMDb
Partage proposé par : Zone Telechargement (film rare) DVD FR
Avis de : Le coin du cinéphage - Libération

Lire aussi :
Christophe BIER, Les nains au cinéma, Christophe Bier, 1998 [BNF].
Entretiens, Revues de cinema, 2009 - Revues de cinema, 2010.
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier Cinéma France , Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.

11 juin 2018

Propaganda - La fabrique du consentement


Réalisateur : Jimmy Leipold
Durée : 0h53
Année : 2017
Pays : France
Genre : Documentaire
Résumé : Comment influencer les foules ? À travers la figure d'Edward Bernays (1891-1995), l'un des inventeurs du marketing et l'auteur de "Propaganda", un passionnant décryptage des méthodes de la "fabrique du consentement". Si les techniques de persuasion des masses apparaissent en Europe à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les révoltes ouvrières, elles sont développées aux États-Unis pour convaincre les Américains de s'engager dans la Première Guerre mondiale. Peu connu du grand public, neveu de Sigmund Freud, l'auteur du livre de référence Propaganda et l'un des inventeurs du marketing, Edward Bernays (1891-1995) en fut l'un des principaux théoriciens. Inspirées des codes de la publicité et du divertissement, ces méthodes de "fabrique du consentement" des foules s'adressent aux désirs inconscients de celles-ci. Les industriels s'en emparent pour lutter contre les grèves avec l'objectif de faire adhérer la classe ouvrière au capitalisme et transformer ainsi le citoyen en consommateur.
Fiche : Arte
Partage proposé par : 9docu HD 720 VOSTFR


Avis de Ciné Monde : Contrairement à ce que répètent en boucle les médias dominants, la propagande n'est née ni en URSS en 1917 ni en Allemagne entre 1923 et 1933, mais bien aux États-Unis et fut théorisée et appliquée par Edward Bernays. Sa carrière résumée en trois dates :
• En 1917, Edward Bernays fit ses premières armes de propagandiste au sein de la Commission Creel. Charlie Chaplin participa activement à la campagne de propagande en faveur de la guerre [03'38].
• En 1929, Edward Bernays lança avec succès une campagne sur la libération des femmes… par la cigarette [18'50]. L'instrumentalisation du féminisme n'est pas nouveau.
• En 1954, Edward Bernays mena campagne pour renverser le gouvernement du Guatemala afin de préserver les intérêts d'United Fruit Company [45'00].

Lire aussi :
Edward BERNAYS, Propaganda - Comment manipuler l'opinion en démocratie, 1928, La Découverte, 2007 [Texte en ligne - pdf].
Sandrine AUMERCIER, Edward L. Bernays et la propagande, Revue du MAUSS, Juillet 2007.
Normand BAILLARGEON, La commission Creel et le viol des foules, Voir, 07/11/2012.
Patrick MICHEL, Il y a 100 ans : premier exercice de propagande de masse avec la commission Creel, Acrimed, 14/09/2017.
Corinne AUTEY-ROUSSEL, Une brève histoire de la propagande, Entelekheia, 19/11/2017.
Dossier documentaire Edward BERNAYS, Monde en Question.
Dossier documentaire Propagande, Monde en Question.
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.