1 décembre 2008

Le terrorisme, une arme de propagande (6)

Pour que les choses soient claires :
1) Aucune cause ne justifie la prise en otage, la séquestration ni l'assassinat de civils.
2) Il règne un dramatique "deux poids deux mesures" sur l'emploi du mot "terrorisme" :
• Des Palestiniens tuent des civils israéliens, c'est du terrorisme. L'armée israélienne tue des civils palestiniens, c'est de la légitime défense.
• Des Afghans tuent des militaires américains, c'est du terrorisme. L'armée américaine tue des civils afghans, c'est une bavure.
3) La résistance est toujours qualifiée de terrorisme par l'occupant pour légitimer à la fois l'occupation et la répression.

Le blog Planète Asie titre "Les attaques de Bombay ou le 11-septembre indien". Comme d'autres médias, Le Monde diplomatique reprend les affirmations des services de renseignement britanniques. Ce média, lui aussi, sombrerait-il dans la manipulation du mot terrorisme ?
La troisième partie de l'article contredit le titre racoleur.
Mais l’échec le plus patent du pouvoir indien reste l’incessante discrimination contre les musulmans, la minorité la plus importante en Inde (près de 13,4 % de la population). Le rapport gouvernemental du comité Sachar publié en novembre 2006 affirme qu’ils arrivent quasi systématiquement en queue de peloton, quand on examine la plupart des indicateurs du développement humain. Les musulmans pauvres sont plus pauvres que les Hindous pauvres — même souvent derrière les hors castes. Ils sont moins éduqués et moins représentés dans le gouvernement, la fonction publique, etc. Ils sont la cible de manifestations de violence systématiquement fomentées par la droite hindoue ; ils sont souvent mal indemnisés quand procès il y a, et leurs bourreaux sont rarement arrêtés. Un processus de ghettoïsation est en train de détruire progressivement les anciens modes de vie et de relations entre les deux communautés. Il en résulte que les jeunes musulmans sont de plus en plus — et dangereusement — marginalisés.

Il faut également songer à la situation au Jammu-et-Cachemire. Les musulmans qui vivent majoritairement dans la vallée du Cachemire font l’objet d’attaques, de mauvais traitements, d’arrestations arbitraires et même de disparitions. Ils ont récemment organisé un mouvement de résistance menant une sorte d’intifada pacifique. Un des terroristes présents au Centre culturel juif, qui s’est exprimé à la télévision indienne via son portable, avait un accent cachemiri ; il a parlé des « mauvais traitements » infligés aux musulmans du Jammu-et-Cachemire.

Rien que depuis le début de l’année 2008, l’Inde a connu des attentats à Assam (le 30 octobre, une série d’explosions tuant plus de 64 personnes et en blessant des centaines), Delhi (le 13 puis le 30 septembre, 19 morts), Ahmedabad (le 26 juillet, 22 petites bombes ont tué 49 personnes), Bangalore (25 juillet, 7 bombes, 2 morts) et Jaipur (le 13 mai, 7 bombes ont tué 63 personnes) [3]. Ces explosions, ainsi que d’autres, étaient coordonnées dans le temps mais leur portée se limitait, au plan logistique, à la pose de petites charges explosives dans des poubelles, dans des lieux publics très fréquentés, souvent touristiques comme à Jaipur.

A partir du peu d’informations disponibles jusqu’à présent, ces attentats semblaient le fait de groupes autochtones, parfois pour des raisons locales. Assam, par exemple, compte une forte minorité de ressortissants du Bangladesh et un mouvement séparatiste. Et l’Etat du Maharashtra, dont Bombay est la capitale, abrite un mouvement puissant lié à la droite hindoue, dont l’objectif est de chasser les travailleurs immigrés venus du nord de l’Inde (en particulier de Bihar).

Toutefois, dans la plupart des cas, ce sont les musulmans qui sont soupçonnés d’être les auteurs des attentats. Et non plus des terroristes soupçonnés d’être manipulés par les services de renseignements de l’ISI, en liaison avec la guerre entre l’Inde et le Pakistan pour le partage du Cachemire. Cette année ont émergé des groupes islamistes autochtones tels que le Students Islamic Movement of India (SIMI) et le prétendu Mouvement des moudjahidines indiens, qui ont suscité une inquiétude croissante.

Il est impossible de dire actuellement s’il existe des liens entre ces mouvements et les « moudjahidines du Deccan ». Mais l’Inde, la plus grande démocratie séculaire, a noué des liens des plus en plus étroits avec les pays occidentaux — ce qu’elle n’avait pas fait dans le cadre de son Congrès des pères fondateurs. Cela peut suffire à en faire une cible pour les réseaux djihadistes internationaux. Elle est également présente en Afghanistan et les talibans, qui ont déjà attaqués l’ambassade indienne à Kaboul, ont laissé entendre qu’elle serait désormais une cible. Cependant, qu’il soit ou non prouvé que des agents extérieurs ont pris part aux attentats de Mumbai —qui ne sont que les dernières en date des atrocités subies par l’Inde, même si celles-ci ont bénéficié d’une plus grande attention internationale —, l’Inde doit affronter un problème bien réel avec sa propre minorité musulmane.

Planète Asie.


Il est intéressant de noter plusieurs faits :
• Le ministre indien de l’Intérieur, Shivraj Patil, a démissionné dimanche, RFI.
Il a indiqué qu'il se sentait dans l'obligation d'assumer la « responsabilité morale » de ces attaques qui ont fait 172 morts, selon un nouveau bilan revu à la baisse. Peu après, le conseiller à la sécurité nationale indienne a démissionné à son tour, selon des chaînes de télévision indiennes.

• La classe politique indienne est mise en cause après les attentats de Bombay, Reuters - Yahoo! Actualités.
Beaucoup reprochent aux membres du parti du Congrès aux commandes d'avoir été incapables de prévenir les attentats, tandis que d'autres reprochent au BJP de chercher à en tirer un bénéfice électoral, à l'approche des échéances législatives de mai.
[...]
"Nous sommes lassés des politiciens qui exploitent le terrorisme pour engranger des voix. Nous sommes lassés de leur incompétence. A nos yeux, ce sont tous les mêmes", tranche l'éditorialiste de l'Hindustan Times.

• Attentats de Bombay : le Pakistan attend des preuves tangibles, RIA Novosti.
Le Pakistan est disposé à coopérer avec l'Inde en matière d'arrestation des personnes impliquées dans les attentats de Mumbai (Bombay) et attend les preuves appropriées, a déclaré lundi le président pakistanais Asif Ali Zardari.
"Une fois ces preuves contre des personnes concrètes reçues, nous procèderons à toutes les mesures nécessaires", a-t-il indiqué dans une interview à la chaîne CNN-IBN.


Attentats de Bombay : l'information mutualisée, Media trend.
Alain Joannes sur son blog Journalistiques adopte une position radicalement différente sur le "journalisme citoyen". Pour lui (il s'appuie sur le recensement effectué par Amy Graham, consultante en communication de l'université du Colorado, Boulder, à propos des attentats de Bombay, qu'elle publie sur le site du Poynter Institute), "les journalistes citoyens ne produisent ni information ni analyse", ils sont incapables de "donner du sens à un événement soudain comme la tragédie de Bombay", "les photos des blogueurs n'ont aucun intérêt", etc.

Un exemple :
9.09 PM. Je viens d'entendre deux grosses explosions près de chez moi, à Cobala.
9.17 PM. Je ne comprends pas à quoi ça rime.
9.19 PM. Il y a eu des tirs au Taj et au Cafe Leopold.
9.23 PM. Dieu merci, toute ma famille est en sécurité à la maison. Heureusement que je suis rentré tôt du bureau.
10.46 PM. Je viens d'entendre un autre grand bruit. C'était quoi ? Des tirs, des grenades ?
Aujourd'hui l'Inde.


Les médias dominants reprennent en boucle les déclarations des autorités indiennes sans les discuter, sans les mettre en perspectives. Ils jouent à fond la carte de l’émotion sans poser les questions classiques : Qui fait Quoi, Où, Quand, Comment, Avec qui et Pour qui - grille de Quintilien - à laquelle on peut ajouter d’où vient l’information (témoins, autorités, autres médias, etc.).

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