7 octobre 2010

Hommage à Claude LEFORT


Figure de l'intellectuel, engagé dans les débats politiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, toujours mobile et jamais péremptoire, le philosophe Claude Lefort est mort à l'âge de 86 ans.
Ceux qui ont suivi les cours du philosophe Claude Lefort depuis les années 60, et ont partagé avec lui ses réflexions sur le totalitarisme et sur la démocratie, n'en sont jamais sortis nantis de recettes pour penser la politique et les institutions. Il leur apprenait à douter.

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Claude Lefort, qui avait été l'élève du philosophe Maurice Merleau-Ponty dans un lycée parisien, ne s'engage pas au Parti communiste comme la plupart des intellectuels français. «Acquis à l'idée d'un marxisme antiautoritaire, je trouvais cependant absurde de suivre la ligne politique de défense inconditionnelle de l'URSS, un régime dont on pensait qu'il avait trahi les idéaux de la Révolution russe et instauré un nouveau type de domination», dit-il dans un entretien publié par Philosophie Magazine. Il entre dans un parti trotskiste, brièvement, et, en 1947, il fonde avec Cornelius Castoriadis le mouvement et la revue Socialisme ou Barbarie où l'on pratique la critique sans complaisance de la bureaucratie communiste mais aussi celle des sociétés occidentales.

Claude Lefort fonde des revues (Socialisme ou Barbarie, Texture, Libre, Passé-Présent). Il les quitte. Il fait partie de ces figures d'intellectuels français que l'on évoque aujourd'hui avec nostalgie, grande pensée, grands débats, idées généreuses, engagement… Mais il n'est pas de ceux qui passent d'une affirmation péremptoire à une autre après avoir condamné la première comme si ce n'était pas eux qui l'avaient proférée. Qui disent «je me suis trompé» avant de passer à la prochaine erreur.

Le Temps
Je recommande particulièrement la lecture de Eléments d'une critique de la bureaucratie,Tel Gallimard, 1979. Cet ouvrage de Claude Lefort, recueil d'articles publiés notamment dans les Temps modernes et Socialisme ou Barbarie, est un document capital sur les premiers débats consacrés au totalitarisme soi-disant socialiste - avant la banalisation et la vulgarisation de ce thème par les "nouveaux philosophes" des années 1970.

Lecture qui peut-être suivie ou précédée de l'ouvrage de Robert MICHELS, Les partis politiques - Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties [1912], Flammarion, 1914 et 1971 [Bibliothèque de l'école des chartes - Multitudes - Texte en ligne (anglais)]. Robert Michels, membre de la social-démocrate allemande dès le début du siècle, a très vite critiqué l'opportunisme et l'embourgeoisement du SPD [qui participera à l'Union sacrée d'août 1914] et mis ses espoirs dans le syndicalisme révolutionnaire, sans renoncer pour autant à mener le combat à l'intérieur de la IIe Internationale. Son désir de comprendre les causes de ce qu'il percevait comme une dégénérescence du mouvement socialiste l'a amené à tenter l'analyse scientifique de l'ossification administrative des "partis du prolétariat".

04/10/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Revue de presse :
• 05/10/2010, Décès de Claude Lefort, La Bataille socialiste.
• 05/10/2010, Claude Lefort ou l'énigme du politique, Libération.
• 05/10/2010, Pécresse salue en Claude Lefort un "grand penseur du fait politique", AFP-Tribune de Genève.
• 05/10/2010, Le philosophe Claude Lefort est mort, Le Monde.
• 05/10/2010, Claude Lefort est mort - C'était l'un des pionniers de l'antitotalitarisme, NouvelObs.
• 06/10/2010, Claude Lefort, un penseur de la démocratie, Le Temps.
• 06/10/2010, Claude Lefort, la passion de la démocratie, Slate.
• 06/10/2010, Claude Lefort ou la critique du totalitarisme, L'Humanité.
Dossier documentaire & Bibliographie Socialisme ou Barbarie, Monde en Question.

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