28 janvier 2013

Django, déchaîné et grand-guignolesque


Les amateurs gloseront à perte de vue sur les références implicites ou explicites de Django Unchained car Quentin Tarantino est cinéphile avant d’être cinéaste. Du plus au moins explicite, je relève l’humour de Sergio Leone (Il buono, il brutto, il cattivo – Le bon, la brute et le truand) et l’esthétique manichéenne de Takashi Miike (Sukiyaki Western Django).

L’action se situe en 1858, soit deux ans avant la guerre civile aux États-Unis (1861-1865). Or, Quentin Tarantino, comme beaucoup de cinéastes américains (Lincoln), semble ignorer l’Histoire. Deux exemples :

Il filme une longue scène d’hommes pourchassant Django déguisés comme des membres du Ku Klux Klan, fondé le 24 décembre 1865.

Il filme Jamie Foxx avec de superbes lunettes de soleil, commercialisées pour la première fois aux États-Unis en 1929 par Foster Grant.

Les deux premières heures du film se voient sans déplaisir grâce à l’interprétation de Christoph Waltz plus qu’à la mise en scène qui traîne en longueur. Le meilleur moment reste celui du marchandage entre Dr King Schültz (Christoph Waltz) et Calvin J. Candie (Leonardo DiCaprio) qui se conclue par la mort des deux protagonistes. Quentin Tarantino montre habilement les deux attitudes extrêmes du Noir-collabo (Stephen, style La case de l’oncle Tom) et du Noir-résistant (Django, style Malcom X solitaire), mais qui ronge son frein dans l’espoir que Schültz réussisse à racheter sa femme. La majorité (peu montrée) accepte son sort sans broncher, ce qui donne du grain à moudre à la théorie raciste du gène de la servitude.

Les dernières quarante-cinq minutes, centrées sur la vengeance personnelle de Django, tombent dans le grand-guignolesque d’hectolitres de sang giclant jusqu’au plafond et le narcissisme du héros – même son cheval parade comme au cirque. Du coup on oublie que l’abolition de l’esclavage fut octroyée aux Noirs par les Blancs et que la ségrégation raciale, qui sévit aux États-Unis jusqu’à la fin des années 1960, perdure aujourd’hui sous la forme d’une ségrégation sociale. Ainsi, alors que les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé du monde (surtout depuis le durcissement opéré par l’administration Reagan dans les années 1980), 50% des détenus sont Noirs et 25% Latinos.


La question noire n’intéresse pas Quentin Tarantino qui l’utilise comme prétexte pour glorifier le mythe américain du self-made-man qui réussit… par la violence. Violence gratuite en l’occurrence puisque Django ne se soucie pas du sort des autres Noirs qu’en fin de compte il méprise.

28/01/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde


Quentin TARANTINO, Django Unchained, 2012, AlloCinéWikipédiaTélécharger VOSTFR.

Lire aussi :
• Sergio LEONE, Il buono, il brutto, il cattivo) – Le bon, la brute et le truand, 1966, AlloCinéWikipédiaTélécharger VOSTFR.
• MIIKE Takashi, Sukiyaki Western Django, 2007, AlloCinéWikipédiaTélécharger VOSTFR .
• Steven SPIELBERG, Lincoln, 2012, Monde en Question.

• Ku Klux Klan, Wikipédia.
Le Ku Klux Klan (appelé souvent par son sigle KKK ou également le Klan), fondé le 24 décembre 1865, est une organisation suprématiste blanche protestante des États-Unis. Classée à l’extrême-droite sur l’échiquier politique américain, elle n’a cependant jamais été un parti politique, mais une organisation de défense ou de lobbying des intérêts et des préjugés des éléments traditionalistes et xénophobes de certains Blancs protestants, les White Anglo-Saxon Protestant (WASP) en tant que la communauté « ethnico-religieuse ».
• Lunettes de soleil, Wikipédia [Dossier mis à jour par Serge LEFORT le 27/01/2013].
Depuis les temps préhistoriques, les Inuits portent des masques en ivoire qui bloquent les rayons du soleil réfléchis par la neige. En Chine, des lunettes en quartz fumé furent utilisées dès le 12ème siècle pour protéger les yeux contre l’éblouissement.
• Foster Grant, Wikipedia.
Foster Grant’s 1960s sunglasses ad campaign « Who’s that behind those Foster Grants?, » by the Geer, Dubois advertising agency, included celebrities Peter Sellers, Louis Jourdan, Carroll Baker, Claudia Cardinale, Elke Sommer, Anita Ekberg, Vittorio Gassman, Anthony Quinn, Mia Farrow, Robert Goulet, Julie Christie, Woody Allen, OJ Simpson, Raquel Welch, Terence Stamp, and Vanessa Redgrave.
• Ségrégation raciale aux États-Unis, Wikipédia.
• Liste des pays par population carcérale, Wikipédia Cliquer sur l’onglet « Taux d’incarcération » pour classer par ordre croissant ou décroissant.
• Prison aux États-Unis, WikipédiaHuman Rights Watch.
Les minorités raciales et ethniques continuent d’être représentées de manière disproportionnée au sein du système de justice pénale. Les Blancs et les Afro-Américains commettent des délits liés aux stupéfiants dans des proportions plus ou moins équivalentes, et les Afro-Américains ne représentent qu’environ 13% de la population américaine ; pourtant, en 2009, ils constituaient environ 33% de toutes les arrestations pour infractions liées aux stupéfiants. Des taux d’arrestation plus élevés entraînent forcément des taux d’incarcération plus élevés. Ainsi, 45% des individus incarcérés dans les prisons d’État pour infractions liées aux stupéfiants en 2009 étaient afro-américains ; 27% seulement étaient blancs.

• Grand-Guignol, Wikipédia.
Spécialisée dans les pièces mettant en scène des histoires macabres et sanguinolentes, elle a par extension donné son nom au genre théâtral, le grand-guignol et à son adjectif grand-guignolesque. Le terme est devenu avec le temps péjoratif et désigne désormais, plus généralement, des situations exagérées, abusant d’effets spectaculaires démesurés.

Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.

Aucun commentaire: