24 août 2009

CIA et Jihad

Un documentaire de François-Xavier Trégan et Yassine Bouzar - Rediffusion de l'émission du 16 février 2009.

La fermeture programmée de Guantanamo scelle un scandale mais soulève, dans son sillage, des questions difficiles. Celles, notamment, de l'accueil et de la "réacclimatation" de ceux des détenus qui seront libérés. Après la décision du président Obama, la plupart des pays susceptibles de les recevoir affichaient leur hésitation tandis que le Pentagone indiquait que, sur cinq cent vingt détenus déjà transférés puis libérés à l'époque Bush, soixante-et-un étaient soupçonnés d'avoir repris le jihad à leur sortie.

L'itinéraire qu'affiche le yéménite Naser al Bahri, 36 ans, se veut tout différent. Il a été façonné par les jihad en Bosnie, en Somalie, au Tadjikistan, en Afghanistan enfin, où il préfère les talibans à Massoud. C’est à Jalalabad qu’il rencontre Oussama Ben Laden dont il deviendra le garde du corps. Ben Laden lui explique la guerre qu’il vient de déclarer aux Etats-Unis : « Abu Jandal, tu dois comprendre mon combat » lui murmure celui que Jandal appellera désormais le Cheikh. Débute une formation de sept mois dans les camps d’entrainement. Mais le Yéménite est plus assidu aux lectures qu’au maniement des armes à feu. Le responsable d’Al Qaida évolue lui-même au milieu d’une bibliothèque de « 3000 ouvrages », précise Nasser.... de quoi nourrir les discussions, et forger la confiance. Abu Jandal le garde du corps, le chargé des relations publiques, intègre le centre névralgique du mouvement. Aujourd’hui encore il répète les yeux fermés chaque mot du serment d’allégeance prêté devant l’Emir neuf ans plus tôt, la Baïa.

En fait, Abu Jandal n’est d’aucune des grandes opérations terroristes. A l’été 2000, il est fait prisonnier à Sanaa. Trois agents du FBI tentent de le faire parler après le 11 septembre 2001. Mais le Yémen préfère le libérer 21 mois plus tard en échange d’une totale renonciation à la violence armée. L’homme signe le document. Il moque dorénavant les opportunistes qui « au Yémen, à coup de feuilles de qat et de cassettes vidéo, vendent aux plus démunis et aux plus ignorants le sacrifice en Iraq ou en Afghanistan ». Ses critiques ne lui attirent pas que des sympathies dans les milieux islamistes de la capitale, qui le taxent « d’infidèle ». Au point de le cantonner à la sphère étroite d’un appartement situé à quelques pas de l’Ambassade américaine. Sans travail, le jihadiste pointe tous les mois au poste de police.

Il consacre tout son temps à la création d’un centre de réflexion dédié au jihadisme. Avec comme perspective affichée de remettre dans le « droit chemin » tous ces égarés croisés sur les terrains de guerre, les paumés venus du monde musulman et d’Europe, aveuglément embrigadés.

Les autorités yéménites soutiennent discrètement le principe de son centre baptisé « Al Jiâl » (« générations »), un laboratoire des expériences passées et à venir, annoncé pour le début de cette année. Mais pas question pour les officiels d’y mettre un seul riyal, de peur de crisper l’ami américain ou d’être démenti par l’avenir.

Sur les docks, France Culture - RSS Podcast

Lire aussi :
• Dossier documentaire & Bibliographie 11 septembre 2001, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Afghanistan, Monde en Question.

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