5 mars 2010

Les idiots utiles du racisme I


Les médias dominants droite-gauche sont les idiots utiles du racisme ambiant qui, d'Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen, gangrène la société française.

Les petits maîtres à penser raisonnent, si on peut appeler cela raisonner, comme des tambours. Ils polluent le débat politique en posant l'équation simpliste arabe = musulman = islamiste = terroriste.
Si vous pensez qu'enfermer les palestiniens dans la prison à ciel ouvert de Gaza et derrière le mur de l'Apartheid en Cisjordanie n'apportera jamais la paix aux Israéliens, on vous accuse d'antisémitisme.
Si vous pensez qu'imposer la démocratie en Afghanistan en bombardant les civils est un crime de guerre (d'une guerre qui ne dit pas son nom comme le fut la guerre contre l'Algérie), on vous accuse d'être complice des Taliban.
Si vous pensez qu'une loi interdisant un vêtement quelconque (hier le voile et demain tous les vêtements qui ne sont pas labélisés catho-laïques) ne réglera pas la question de la coexistence de cultures différentes, on vous accuse d'islamiste.
Un spectre hante l'Europe : le spectre de l'islamisme. Toutes les puissances de la vieille Europe et des États-Unis se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le dalaï-lama, Bush-Obama et Sarkozy, les socialistes de France et les policiers de Russie.
Pastiche de la première phrase du Manifeste du parti communiste
La propagande raciste retourne tous les arguments en pratiquant un amalgame anhistorique qu'on croyait réservé à l'extrême droite fascisante. Un exemple, parmi d'autres, est le texte de Brice Couturier qui servait d'introduction à son émission du 1er mars intitulée Existe-t-il des « idiots utiles » de l'islamisme ?
Lénine, qui avait le sens de la formule, aurait désigné ceux qui, par complaisance envers l'idéologie bolchevique, fermaient les yeux sur les réalités les moins reluisantes de l'Union soviétique, « d'idiots utiles ». Prenez le cas, resté célèbre, de Walter Duranty. Envoyé spécial du New York Times, il a le privilège de pouvoir se rendre en Ukraine, lors de la « grande famine », provoquée par Staline pour punir les paysans rétifs à la collectivisation, en 1933. Tandis que 6 à 8 millions de personnes, agonisent à travers les forêts en mangeant des racines ou se livrent à l'anthropophagie, Walter Duranty, ne veut voir que des magasins bien alimentés et des Ukrainiens bien nourris. Même phénomène pour la poignée d'intellectuels français invités par le III° Reich hitlérien à la vielle de la guerre : ils rentrent enthousiastes, n'ont croisé que des jeunes gens enthousiastes et d'anciens chômeurs heureux d'avoir retrouvé du travail. Les camps de concentration et les usines d'armement ? Non, vraiment, ils n'en ont pas entendu parler. Ou plutôt ils n'ont pas voulu en entendre parler…
Pourquoi les idéologies totalitaires ont-elles bénéficié du concours des « idiots utiles » ? Ceux-ci ont-ils été poussés par la complaisance envers l'adversaire ou bien par la curiosité et l'esprit d'ouverture ? S'ils étaient universitaires, ont-ils été contaminés par leur sujet d'étude ? Ou payaient-ils l'accès privilégié à leurs sources par des révérences de circonstance ?
Dans son dernier essai, « Pourquoi l'islamisme séduit-il ? », Mohamed Sifaoui accuse nommément un certain nombre d'intellectuels français de s'être faits les « idiots utiles de l'islamisme ». Au nom du principe « l'ennemi de mon ennemi est mon ami », ces intellectuels de gauche, par anti-impérialisme, anti-sionisme ou anti-américanisme, auraient passé une alliance contre-nature avec des fanatiques moyennâgeux. Leur désir de comprendre se serait mué en volonté d'excuser et d'approuver. Le parti communiste iranien Toudeh n'a-t-il pas fait la courte échelle aux mollahs – avant d'être exterminés par le pouvoir islamiste ?
« Il serait urgent que, dépassant nos animosités réciproques, nous puissions en discuter franchement », écrit Mohamed Sifaoui. Eh bien, nous vous en donnons l'occasion cet après-midi.
Du grain à moudre

Commentaires : Brice Couturier fait l'amalgame entre Lénine et Staline comme s'il n'y avait pas eu une rupture qui s'est traduite pas l'élimination de milliers de bolcheviques ; entre Staline et Hitler comme s'ils étaient le produit de la même histoire et comme si l'URSS n'avait pas puissamment contribué à la défaite de l'Allemagne. Ancien maoïste et aussi ancien rédacteur en chef du magazine Lui, Brice Couturier, qui est devenu comme beaucoup d'anciens maoïstes un anti-communiste [1], annonce toutes ces contre-vérités pour introduire les élucubrations d'un Mohamed Sifaoui sur l'islamo-gauchisme...
Le spectre de l'islamisme, hystérisé par les médias dominants droite-gauche, relève plus du fantasme que d'une réalité [2]. Qu'importe. Les éditorialistes brodent à l'infini sur ce thème qui permet d'entretenir la mémoire coloniale des élites, qui n'ont pas encore digéré la perte de l'Empire colonial français d'Asie et d'Afrique (particulièrement la perte de l'Algérie en 1962), et d'évacuer opportunément les questions sociales alors que l'économie fout le camp.

04/03/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Veille d'information Racisme, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Racisme, Monde en Question.

[1] Dans les médias sévissent de nombreux anciens maoïstes, qui se prosternent aux pieds de sa Sainteté le Dalaï-lama, la 14e réincarnation d'une divinité tibétaine et l'idole de la démocratie à l'heure du néo-libéralisme chancelant, avec la même ardeur dévote qu'ils encensaient Mao Zedong dans les années 60.
30/10/2006, Sur France Culture : Autopsie de l'extrême-gauche par des animateurs cultivés, Acrimed.
21/12/2009, Lu, vu, entendu : « Identités éditoriales », Acrimed.
[2] Janvier 2010, Sami AMGHAR et Patrick HAENNI, Un spectre hante l'Europe - Le mythe renaissant de l'Islam conquérant, Le Monde diplomatique - Algérie Focus - Entre les lignes.

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