17 février 2007

La faillite de la gauche antilibérale

Lors du référendum sur la constitution européenne, on avait beaucoup glosé sur le plan B, comme alternative possible au texte rejeté par les électeurs, surtout chez les adeptes du « Non ». Par parenthèses, ces derniers avaient souvent oublié qu'il existait aussi un « Non » de droite, et même un « Non » d'extrême droite, ce qui rendait pour le moins hasardeuses les conjectures politiques alors esquissées dans le camp antilibéral, où l'on rêvait déjà de lendemains qui chantent. Aujourd'hui, on est passé du plan B au plan trois B (Buffet, Besancenot, Bové), et tout le monde déchante. D'autant que si l'on ajoute l'inamovible Arlette Laguillier (LO) et Gérard Schivardi (Parti des Travailleurs), la gauche de la gauche a des allures de club des cinq. Pour quel résultat si, à l'arrivée, il faut se partager les miettes du festin électoral ?

Cette situation ubuesque confirme les pesanteurs idéologiques, ainsi que le poids des appareils qui bloquent toute velléité de recomposition. La chute du mur de Berlin a beau être déjà loin, de nombreux murs de Berlin sont encore dans les têtes de ceux qui tiennent les clés des maisonnettes de la gauche antibérale. Précisons que ce constat vaut également pour les trotskystes, aussi sectaires et dogmatiques que les héritiers des staliniens de naguère. Tous, d'une manière ou d'une autre, sont l'expression d'une révolte authentique. Tous portent une souffrance sociale qu'il faut entendre. Mais tous, en même temps, s'avèrent incapables de sortir de l'archaïsme, d'abandonner les vieilles lunes idéologiques, et de sortir des luttes de clans dévastatrices. La LCR rêve de faire la peau du PCF, comme s'il fallait encore venger la mémoire du coup de pioche contre Trotsky. Le PCF persiste à rêver d'un rassemblement illusoire autour de son étoile pâlissante, malgré une implantation militante affaiblie mais réelle. Quant à José Bové, il s' imagine jouer les Nicolas Hulot de l'altermondialisme, ce qui risque de s'avérer plus délicat que le fauchage d'un champs de maïs transgénique.

La peur du 21 avril aidant, la gauche de la gauche risque de se retrouver, sauf surprise, en état de décomposition avancée au soir du premier tour. Certains en tireront la conclusion que rien de neuf ne peut se construire tant que subsisteront les traces des anciennes structures. D'autres se féliciteront d'un délitement qui fait place nette aux tenants de l'ordre injuste qui règne en ce pays. Mais une chose est sûre : à force de rater les étapes, on finit forcément par perdre la course.

Jack Dion
14 Février 2007
Marianne

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