15 mars 2006

Salubrité publique

Après Jean-Marcel Bouguereau du Nouvel Observateur, c'est au tour de Jean-Luc Allouche de Libération de faire l'éloge de la salubrité publique pour nous débarrasser de la vermine du monde arabo-musulman.

Le premier avait utilisé ce terme le 8 février dans un article sur les caricatures : "C'est une œuvre de salubrité publique car, comme ce fut le cas pour les autres religions, il faut habituer la religion musulmane à supporter la moquerie et la caricature." Le Nouvel Observateur

Le second l'emploie le 7 mars dans le compte-rendu du livre d'un auteur fou d'amour d'Israël : "Ce livre volontairement modeste est une oeuvre de salubrité publique." Libération
Dans les deux cas, il s'agit bien de désigner la vermine à éliminer pour l'hygiène de notre société.

Cette expression désigne "l'ensemble des mesures édictées par l'Administration en matière d'hygiène des personnes, des animaux et des choses". Il s'agit essentiellement de mesures préventives d'assainissement, qui relèvent du pouvoir de police générale des maires, pour préserver la population des maladies endémiques et contagieuses.

Dans une ville, les contrôles réguliers de l'hygiène et de la salubrité publique sont indispensables et salutaires. En matière d'animaux nuisibles, d'hygiène alimentaire ou de nuisances sonores, la ville et ses habitants se doivent de rester constamment en alerte.
Mairie de Rouen


Cette expression a toujours été utilisée par les idéologues racistes pour justifier les exactions menées contre une population désignée comme nuisible : les juifs dans l'Allemagne nazie, les noirs et les arabes dans la France coloniale.

Le premier et le seul mot nouveau de la langue nazie que je rencontrai ici se trouvait sur le brassard de certains soldats ; c'était «Volksschädlingbekämpfer»* [préposé à la lutte contre la vermine du peuple].
* L'entreprise allemande qui livra aux camps d'extermination le gaz mortel, le Zylon B., s'appelait Internationale Gessellschaft für Schädlingsbekämpfung GmbH [Société internationale de lutte contre la vermine SARL].
KLEMPERER Victor, LTI - La langue du IIIe Reich, Albin Michel, [1975] 1996 p.330.

Un jeu de l'oie propose ainsi un parcours dans les colonies où sont mises en scène toutes les catégories de l'idéologie coloniale : «mission civilisatrice» de l'homme blanc envers les populations reconnaissantes, nécessaire alliance de la République et de l'Église dans «l'œuvre sanitaire» [...].
BLANCHARD Pascal et LEMAIRE Sandrine (dirigé par), Culture coloniale - La France conquise par son Empire 1871-1931, Autrement, 2003 p.180.


Que cette expression passe, volontairement ou involontairement, dans le langage courant de certains journalistes, quand ils évoquent les musulmans en général et les arabes en particulier, est révélateur du raciste ordinaire qui pourrit notre société.

Serge LEFORT
15 mars 2006

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