Les États-Unis ont les moyens de gagner très facilement la guerre contre l'Irak (il s'agit en fait d'une colonisation militaire de l'Irak), car elle opposera la première puissance militaire (basée sur l'arme nucléaire, sur les technologies aéronavales et spatiales et les réseaux de communication ) à un pays, qui est sous la botte de la dictature du clan Saddam Hussein depuis vingt-quatre ans et qui est contrôlé militairement et bombardé depuis plus de dix ans. Il est vraisemblable que seule la garde prétorienne de Saddam se battra dans Bagdad, autant contre les commandos américains que contre la population irakienne.
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais pas politiquement. Le peuple irakien, affaibli par vingt-quatre ans de dictature et dix ans d'embargo, accueillera peut-être les américains en libérateurs. Mais les troupes américaines seront confrontées à l'aspiration nationale des kurdes qui joueront une nouvelle fois leur destin. Malgré le vote du Parlement, la Turquie négocie l'utilisation de son territoire par l'armée américaine : «une aide de 30 milliards de dollars» et le contrôle militaire du Kurdistan turc et irakien camouflé sous l'aide humanitaire aux réfugiés. «Et en Turquie, les États-Unis poursuivent leurs débarquements de matériels militaires sans attendre un nouveau vote pour autoriser le déploiement de quelque 62 000 GI américains.» (Les Échos 12/03/2003).
La crispation médiatique autour de la guerre annoncée des USA contre l'Irak en cache une autre, celle de l'impérialisme américain contre les autres puissances impérialistes. Depuis le début des années 90, les États-Unis remettent en cause l'ordre mondiale construit par les vainqueurs après 1945. Ils refusent tous les accords internationaux qu'ils jugent défavorables pour la sauvegarde de leurs intérêts. La partie de poker menteur, qui se joue à l'ONU sous le prétexte du désarmement de Saddam Hussein, révèle la volonté de certaines puissances de contraindre les États-Unis à se mettre hors jeu. La rébellion du gouvernement français serait dérisoire si elle ne préfigurait pas de nouvelles alliances.
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais ni politiquement ni économiquement. L'impérialisme américain détenait environ 50% des échanges internationaux à la fin de la Seconde guerre mondiale, mais il n'en détient plus aujourd'hui que 22%. Entre 1990 et 2000, le déficit commercial américain est passé de 100 à 450 milliards de dollars. Le coût de cette guerre, assuré pratiquement seul, accélérera le déclin des USA. L'enjeu, à long terme, est la remise en cause du dollar comme monnaie de référence – accords de Bretton Woods en juillet 1944 – qui permet aux États-Unis de financer leur déficit. Dans le contexte de la crise économique, amorcée en 1974-1975, la «crise irakienne» constituera un épisode décisif pour un repartage du monde entre les grandes puissances.
Serge LEFORT
14 mars 2003
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