Il faudrait être sourd pour ne pas avoir entendu les arguments que Goupil assène en boucle dans les médias pour soutenir la guerre américaine en Irak : "Saddam Hussein est un dictateur", "Saddam Hussein est l'arme de destruction massive". Et, grisé par les paillettes, il accuse même les opposants à la guerre d'être "dans le même camp que Le Pen" [1] !
La violence des formules n'explique en rien comment l'opération "Choc et stupeur", c'est-à-dire "les bombardements massifs" annoncés par la propagande américaine, permettrait au peuple irakien de construire lui-même une démocratie. Le peuple irakien, laminé politiquement par trente ans d'une dictature armée par l'Europe et les États-Unis, meurtri par douze ans d'embargo imposé par les États-Unis et terrorisé par les bombardements, n'a pas les moyens, et pour longtemps, de choisir librement son destin.
Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne ont mis en place et soutenu la dictature de Saddam tant qu'elle servait leurs intérêts. Les États-Unis ont permis à Saddam de prendre le pouvoir par un coup d'État et l'ont aidé à contrôler le pays. Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne connaissent précisément l'armement qu'ils ont fourni à Saddam pendant des décennies. Ils l'ont encouragé à faire la guerre contre l'Iran. Ils se sont alliés, en 1991, avec toutes les dictatures arabes - notamment avec l'Arabie Saoudite, qui finance les terroristes intégristes. Ils ont laissé Saddam massacrer les chiites et gazé les kurdes.
Les mêmes pays discutent déjà ouvertement de la "reconstruction" de l'Irak, c'est-à-dire de son partage. Aucun des gouvernements "démocratiques" ne s'est préoccupé un seul instant du peuple irakien, dont ils pillaient les richesses avec la complicité de Saddam. Il n'y a pas, contrairement aux apparences, de différence sur le fond entre Chirac et Bush mais seulement sur les moyens. L'un veut continuer à profiter du pétrole irakien par la négociation commerciale et diplomatique et l'autre veut s'en emparer par la colonisation militaire.
Comment le peuple irakien peut-il prendre au sérieux la soi-disante volonté des États-Unis ou de l'ONU de l'aider à instaurer une démocratie alors qu'ils soutiennent les monarchies pétrolières, la Turquie (contre les Kurdes) et Israël (contre les Palestiniens), et alors qu'ils méprisent les conventions internationales (par exemple à Guantanamo) ?
Hier, Goupil a soutenu l'URSS qui "libérait" les peuples en les écrasant et les asservissant, et, aujourd'hui, il soutient les USA contre le peuple irakien au nom de la même logique, c'est-à-dire le mépris des peuples. Les raccourcis historiques, au nom du socialisme ou de la démocratie, se font toujours avec le sang et sur le dos des peuples.
Serge LEFORT
24 mars 2003
[1] Dans l'émission Tam Tam du 24/03/03. L'intervention de Goupil sur France Inter fait suite à d'autres sur France 2, Arte et M6. Voir aussi l'article du Monde du 19 mars 2003.
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