23 décembre 2006

Revue de presse Palestine/Israël (4)

18/12/2006
  • Jacques Camus, Aider tant qu’il est temps, Blog
  • Spectre de guerre civile palestinienne, Le Temps
  • La Palestine au bord de la guerre civile, CCIPPP
  • Virginia Tilley, Qu’allez-vous faire, Israël ?, CCIPPP
  • Israël est le quatrième fournisseur d’armes derrière les États-Unis, la Russie et la France, Al-Oufok

    19/12/2006
  • Yassmin A. Moor, Les enfants de la Seconde Intifada, CCIPPP
  • Pierre Stambul, Quand négationnisme et sionisme se confortent mutuellement, Al-Oufok
  • Proche-Orient, la guerre sans fin, Le Monde

    20/12/2006
  • Génocide, négationnisme et Israël, Le Monde diplomatique
  • Amos OZ, Israël n'a-t-il rien appris ?, Libération
  • Fares Chahine, Affrontements interpalestiniens : la fracture plus forte que la trêve, CCIPPP
  • Isabelle Avran, Une guerre qui n’en finit pas, France-Palestine

    21/12/2006
  • "Un désastre sans égal", Courrier International
  • Yoav Stern, Les Arabes d’Israël demandent le retour dans les villages abandonnés, CCIPPP
  • Yoav Stern, Revendications de la population arabe en Israël, CCIPPP

    22/12/2006
  • Abdel Bari Atwan, Effets pervers de l’aventurisme d’Abbas, CCIPPP
  • Patrick Saint-Paul, Le chaos fait renaître les clans à Gaza, CCIPPP
  • Amin Abu Wardeh, Les Palestiniens condamnés à disparaître de Jérusalem, CCIPPP

    23/12/2006
  • Christian Picquet, Peuple en danger, France-Palestine
  • 17 décembre 2006

    Revue de presse Palestine/Israël (3)

    09/12/2006
  • Robert Fisk, L'Empire romain trébuche alors, il se tourne vers l'Iran et la Syrie, CCIPPP
  • Danilo Zolo, Mais un Etat palestinien est-il encore possible ?, CCIPPP
  • Terrorisme israélien dans les Territoires Palestiniens, CCIPPP

    10/12/2006
  • Jimmy Carter maintient son accusation d'"apartheid" à l'égard d'Israël, CCIPPP

    11/12/2006
  • Le projet d'un « Nouveau Moyen-Orient », Mondialisation

    12/12/2006
  • Principe médiatique : ne jamais parler des encombrants amis français des Gemayel, Loubnan ya Loubnan

    13/12/2006
  • L'administration israélienne traduite en justice devant la Cour Internationale de La Haye, CCIPPP
  • Une bataille gagnée devant la Cour Suprême pour les victimes palestiniennes, CCIPPP
  • Lettre de Beersheva : Aux portes du Neguev avec les Bédouins exilés, Le Monde diplomatique

    14/12/2006
  • Les éliminations ciblées légalisées, RFI

    15/12/2006
  • Joharah Baker, Nous sommes devenus nos pires ennemis, CCIPPP
  • Akram Belkaïd, La Shoah et les faux-amis des Palestiniens, Bakchich

    16/12/2006
  • Jonathan Cook, Le piège de la reconnaissance d'Israël, CCIPPP
  • Robert Fisk, "Différentes façons de raconter l'histoire au Proche-Orient", Nouvelles d'Arménie - CCIPPP

    17/12/2006
  • Carter, Israël et l’apartheid Le Monde diplomatique
  • Pierre BEAUDET, Qui est responsable de la crise ?, Alternatives International
  • Fatah-Hamas, vers une guerre interpalestinienne ?, BISMI
  • L’armée israélienne, côté femmes, RFI
  • 16 décembre 2006

    12 décembre 2006

    Etude du récit dominant sur la question israélo-palestinienne

    Le Bulletin n°3 de l'Observatoire de la presse sur la Palestine analyse l'ouvrage « Israël-Palestine » publié en 2004 par le Mémorial de Caen.

    Ce livre est une illustration du récit dominant en Occident sur la question israélo-palestinienne puisqu'il réunit les deux principales caractéristiques de ce type de récit, à savoir un parti pris favorable au sionisme et à la politique israélienne et, pour camoufler ce biais, une approche confuse, contradictoire et superficielle.

    Ce récit repose ainsi sur des valeurs nationalistes et exclusivistes avec un mélange étrange de politique et de religion.

    Ces valeurs, étrangères aux notions de connaissance, d'universalité, de respect entre les peuples et de paix, sont en contradiction avec les valeurs dont se réclament les pays occidentaux. Il est vrai que l'Occident n'a pas pour habitude de promouvoir ses propres valeurs (démocratie, laïcité) quand il s'agit de sa relation avec la partie non-occidentale de la planète et tout particulièrement avec le monde arabo-musulman.

    Ce Bulletin fait ressortir la logique dérogatoire du récit dominant et attire ainsi l'attention sur la menace que ce récit représente à l'égard de l'idée même qu'il puisse exister des principes universels qui permettraient de rendre le monde intelligible.

    Lire la suite, Observatoire de la presse sur la Palestine.
    Télécharger le Bulletin n°3 (PDF).

    9 décembre 2006

    Comment vaincre en Irak

    Après mon dernier article qui expliquait les défaut de la guerre asymétrique (Asymmetrical warfare) de nombreux lecteurs m’ont écrit pour me demander, « Bon d’accord, mais alors COMMENT vaincre la guerrilla urbaine ? » C’est une bonne question, mais pour l’instant il n’y a pas vraiment de réponses. Comme je l’ai déjà dit, nous vivons en ce moment une période où les anciens modèles militaires - établis et efficaces jusqu’ici - ont atteint leurs limites.

    Le rouleau compresseur militaro-industriel qui nous a permis de gagner la Deuxième Guerre mondiale (tant du côté capitaliste que du côté soviétique) était certes une machine impressionnante et glorieuse, mais la même chose pouvait être dite en son temps de la phalange gréco-romaine, de la cavalerie lourde du moyen âge et de la formation en carré de l’armée coloniale britannique. Tous ces modèles ont fini un jour par taper dans un mur, et nous sommes dans le même cas, aujourd’hui.

    Un des signes clairs qu’un modèle militaire est entrain de taper dans un mur est le fait que les petits gars qui ont passé leur vie à le pratiquer se mettent soudain à se plaindre que le camp d’en face triche. Si vous avez prêté attention aux interviews de soldats US ces derniers temps, vous aurez remarqué que c’est ce qu’ils font. L’autre jour j’ai entendu un officier dire à un journaliste, « Je suis désolé, mais les Irakiens ne respectent rien, ce sont des tricheurs. » Ca m’a soufflé. Je comprends tout à fait qu’un combattant régulier éprouve une profonde aversion pour un guérillero. Après tout, on ne peut pas leur demander d’admirer des gens qui plantent une mine sur votre route et ensuite prétendent être d’innocents civils quand vous les alignez contre un mur après l’explosion qui a tué votre meilleur copain. Bien sûr qu’ils les détestent. Bien sûr qu’ils ont envie de les tuer tous. Eux, et tout le foutu voisinage avec, étant donné que tout le monde dans le quartier est probablement complice des poseurs de bombes. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des incidents du genre Haditha.

    Mais, comme tout le monde sait, les incidents de type Haditha sont exactement ce que recherche la guérilla. Ils veulent que vous pétiez les plombs, que vous noyiez le quartier sous un déluge de feu. Comme ça tout le monde détestera encore plus l’envahisseur honni, ça leur permettra de recruter des nouveaux combattants. C’est ça la règle de leur jeu.

    Pour commencer, arrêtez de vous plaindre que l’ennemi ne se bat pas « selon les règles », ne respecte pas les lois de la guerre. La bonne blague ! Vous avez déjà consulté ces « lois de la guerre » ? Moi je les ai étudiées à l’Académie Militaire et elles sont totalement incohérentes. Ainsi, par exemple, dans ces « lois », il est dit que les balles dum-dum sont interdites. Par contre le napalm, lui, est autorisé. Les balles creuses qui explosent dans le corps du soldat sont indignes d’un champ de bataille civilisé, mais les nuages de feu qui brûlent et défigurent les enfants et les vieillards ne le sont pas. Allez comprendre.

    La raison pour cela est simple : les balles dum-dum étaient utilisées par les guérilleros Boers dans leur lutte contre l’envahisseur britannique en Afrique du Sud. Ça énervait tellement les Anglais qu’ils firent des pieds et des mains pour obtenir l’interdiction de cette arme simple et pas chère à fabriquer. Eux par contre, pendant ce temps-là, déportaient des milliers d’hommes, femmes et enfants Boers dans des camps de concentration qui n’avaient rien à envier à ceux des nazis et dans lesquels un quart de la population Boer fut assassiné.

    Le célèbre gangster Butch Cassidy a dit un jour : « Des règles ? Dans une bagarre au couteau ? »

    Il n’y a pas de « lois de la guerre ». Il y a juste des règles à deux vitesses qui sont imposées par les vainqueurs du moment. Exiger d’un guérillero qu’il signale sa position et affronte « loyalement » un hélicoptère de combat est aussi stupide que de demander à un Boer de ne pas violer la loi en limant la pointe de ses balles tandis qu’il regarde sa famille mourir - en toute légalité - de faim et de fièvre typhoïde derrière des barbelés. Comme le dit notre grand stratège néo-con Donald Rumsfeld : « On mène la guerre avec l’armée qu’on a, pas avec celle qu’on aimerait avoir ». La guérilla mène une guerre avec ce qu’elle a à sa disposition : des armes de petit calibre et des bombes sur le bord de la route. Elle n’a pas d’autre choix que de « tricher ».

    Néanmoins, il existe des méthodes pour vaincre une insurrection. Mais elles ne sont pas jolies-jolies et aucune n’est défendable devant l’opinion publique. Sans parler du fait qu’elles sont assez risquées. Vous pouvez toujours tenter le coup, mais c’est à vos risques et périls.

    La première solution la plus évidente est le génocide. J’en ai déjà parlé et j’ai même prédit que cette stratégie allait revenir à la mode - en effet, il y a un écart énorme entre la force militaire dont dispose une super-puissance comme les États-unis et la force qu’elle est véritablement autorisée à utiliser. Nous avons un problème dans le Triangle sunnite et nous l’affrontons avec des armes qui n’ont pas beaucoup changé depuis le milieu du XXè siècle - des chars, des canons, des frappes aériennes. Bien sûr, nos chars, nos canons et nos avions sont bien meilleurs que ceux que nous avions en 1944, mais ce ne sont que des petites améliorations techniques apportées à des armes très anciennes. Cela fait 600 ans que nous utilisons le canon dans nos guerres. Aussi sophistiquées que soit notre armement, on est toujours dans le principe des vieilles « bouches à feu » en bronze qui écroulèrent les murs de Constantinople en 1453.

    Les seules « nouvelles armes » sont précisément celles que nous n’avons pas le droit d’utiliser : ABC - atomique, biologique, chimique - et tout particulièrement les armes biologiques. La seule précaution à prendre - quand vous ouvrez la fiole - est de vérifier que le vent souffle bien dans le bon sens et que vous évitez de respirer l’air du coin... pendant le restant de votre vie. Si nous avions eu la volonté d’ouvrir cette boite de Pandore, la ville de Ramadi serait aujourd’hui aussi calme et paisible qu’une station de sports d’hiver en été.

    Bien sûr, il existe de solides arguments qui devraient vous faire réfléchir avant que vous ne débouchiez l’éprouvette pleine de spores. Le premier de ces arguments est qu’il est difficile de contrôler qui va mourir. Anthrax ne fait pas de différence entre les sunnites, les chiites... ni même les Américains d’ailleurs. Et puis, si vous commencez à sortir les diffuseurs de poisons, vous perdez pas mal de réputation dans le domaine moral. Moi cela ne me gêne pas, mais l’opinion publique et électorale semble apporter de la valeur à ce genre de choses.

    Les armes chimiques sont un cran en dessous des armes biologiques et ne risquent pas d’entraîner une contamination de cibles non-voulues. Elles sont simples à utiliser : vous tirez un obus, le nuage s’étend, tout le monde qui le respire meurt presque immédiatement d’une mort horrible... et quelques kilomètres plus loin cela n’est plus qu’une vague odeur de curry brûlé. Mais - encore une fois, - si elles sont efficaces, ces armes sont aussi très mal vues d’un point de vue éthique. Nettoyer le Triangle sunnite à grandes doses de Formule 409 ressemblerait trop aux méthodes utilisées par Saddam contre les Kurdes - une stratégie que nous avons violemment condamnée.

    De fait, quand on commence à se lancer dans des opérations génocidaires, on tombe dans un ennui après l’autre.

    C’est pour cela qu’on finit toujours par revenir à cette bonne vieille option du nucléaire stratégique. Outre le fait que nous sommes quelques-uns seulement à avoir les moyens de nous la payer (et que le camp adverse ne peut donc pas riposter), l’option nucléaire tactique a l’avantage de régler proprement (enfin presque) et durablement tous les problèmes. Imaginez un instant que nous commencions à tracer des petits cercles rouges au compas autour des zones habitées entre Kirkuk et Kerbala, Tal Afar et Najaf et que nous vaporisions tout ce que se trouve dans ces périmètres ?

    En plus, les choses sont bien plus simples aujourd’hui qu’il y a encore quelques années. À l’époque la population était mélangée. On risquait donc de vaporiser des familles chiites (qui sont censés être nos copains) en même temps que leurs voisins sunnites (qui nous tirent dessus). Mais aujourd’hui les commandos de nettoyage ethnique ont tellement bien fait leur boulot que si nous lâchions une petite bombe nucléaire sur Ramadi nous aurions la garantie que les cendres projetées dans l’atmosphère seraient à 99 % Sunnites.

    Bon, je sens que je m’enthousiasme. Je vais donc revenir à des stratégies anti-insurrectionnelles qui sont plus acceptables quand on parle à des enfants et à des membres du Parti démocrate. Il y a trois autres méthodes pour lutter contre une résistance populaire pratiquant la guerilla urbaine : a) les assassinats ciblés, b) la corruption, c) la guerre intestine entre les factions de la résistance. Chacune de ces trois stratégies a déjà été utilisée avec beaucoup de succès au cours de l’histoire. Et chacune d’entre elles a également lamentablement foiré.. quand elle n’engendrait pas un nouveau problème encore pire que celui qu’elle était censée régler. C’est ce qu’on appelle l’effet Frankenstein.

    La méthode la plus simple est la corruption. Je ne comprends pas pourquoi nous faisons si peu usage de cette arme. C’est à croire que les gens qui tirent les ficelles sont aussi sanguinaires que moi, car sinon ils l’utiliseraient tout le temps pour éliminer des régimes "voyous" qui nous dérangent dans nos projets.

    Faites le calcul vous même. Au jour d’aujourd’hui, le 12 novembre 2006, le coût officiel de notre aventure en Irak est de 340 milliards de dollars US. Maintenant imaginez un instant que nous ayons bombardé l’Irak avec l’équivalent de cette somme en billets verts. Nous serions les héros du monde arabe et du monde tout court. Chaque famille en Irak aurait reçu 70 000 dollars US - oui, vous avez bien lu. L’Irak serait devenu un des pays les plus riches du monde. Je vous garantis que ces chameliers pouilleux passeraient leur journée à autre chose qu’à se massacrer l’un l’autre avec des perceuses électriques. Tout le monde nous dirait merci. Pas seulement les Irakiens mais n’importe quel orfèvre en Égypte, n’importe quel tenancier de bordel et de bar à Amsterdam, n’importe quel concessionnaire Mercedes à Bagdad. La population irakienne serait plongée dans un tourbillons de commerce, de consommation et de frivolité, jusqu’à ne plus savoir où donner de la tête.

    Par ailleurs cela aurait des retombées fort intéressantes pour notre commerce extérieur et celui de nos amis. Quand à Saddam ? Il aurait été renversé en 10 minutes quand il tenterait d’interdire aux gens de rouler bourrés dans leur nouvelle décapotable sur l’avenue centrale de Bagdad. C’était bien ce qu’on voulait non ? Libérer le pays de Saddam et rendre les gens heureux ? A coût égal, on y serait déjà.

    Les Irakiens n’allaient pas se révolter pour la démocratie - honnêtement, vous en connaissez beaucoup qui sont prêts à risquer leur vie et celle de leur famille pour un objectif aussi fumeux ? Par contre, si c’est pour une nouvelle bagnole et une vie de luxe... Et puis, une fois qu’ils auraient tous leur voiture, nous viendrions négocier avec eux des droits d’exploitation du pétrole et leur vendrions des raffineries... l’opération aurait été rondement menée et tout le monde serait content.

    Deuxième option, pour ceux qui ne veulent pas filer tout ce fric aux Irakiens. C’est un peu tard pour cela, vu qu’on l’a déjà dépensé. Mais bon... il reste les méthodes plus sanglantes. Il y en a deux : l’une rapide, sanglante et risquée et l’autre moins rapide, tout aussi sanglante et tout aussi risquée.

    La méthode moins rapide et sanglante consiste à procéder à des assassinats ciblés effectués par des escadrons de la mort composés de soldats US et locaux. Nous avons appliqué cette méthode au Vietnam et cela a fonctionné d’un point de vue tactique, elle nous a permis d’éliminer un certain nombre de réseaux du Vietcong dans les provinces. Par contre cela n’a pas permis de combler la gigantesque absence de stratégie générale qui a marqué cette guerre. En d’autres termes, nous avons durement frappé le VietCong avec nos tueurs de l’opération Phoenix, mais cela n’a pas empêché les colonnes blindées de l’armée nationale vietnamienne de débouler sur Saigon quelques années plus tard.

    Les néo-cons ne se vantent plus tellement des opérations Phoenix au Vietnam, vu le résultat final désastreux. Et pourtant la totalité des stratèges militaires qui avait mis en place ces commandos d’assassins se retrouve aujourd’hui au Pentagone autour de Rumsfeld. Par contre il sont très fiers de ce qu’ils ont fait au Salvador, où les petits gars de Reagan ont fait du bon boulot et éliminé en quelques années l’insurrection communiste locale. J’ai toujours admiré le fait que ces opérations aient été menées sans fanfares ni trompettes. À l’époque, sous Reagan, personne n’a jamais entendu parler de ce qui se passait dans les campagnes du Salvador. Il a fallu qu’un pauvre idiot perde les pédales et flingue quatre bonnes soeurs pour que le voile se lève un peu sur les massacres. Dans son ensemble, cette stratégie a été payante au Salvador. Mais il faut savoir garder la mesure. Au Salvador, la population ne dépasse pas 4 millions et l’insurrection était dirigée par une petite clique de bourgeois communistes. Une fois qu’on a éliminés les gauchistes meneurs, le reste du peuple, les paysans et les indigènes, sont revenus à leurs anciens maîtres.

    Les Irakiens sunnites ne sont pas des indigènes dociles. Ils ont l’habitude de tuer des gens et ils aiment ça. Nous ne pouvons pas « assassiner leurs leaders de manière ciblée » parce qu’ils n’ont pas de leaders, en dehors du potentat local de leur quartier.

    Parmi les autres exemples de lutte anti-insurrectionnelle qui a bien marché, il y a eu les Anglais contre les communistes chinois en Malaisie, dans les années 1950. Mais ici encore cela ressemblait beaucoup au Salvador et pas du tout à l’Irak. En Malaisie, on avait des petits groupes ethniques chinois noyés dans la masse des Malais et qui n’avaient rien d’autre que leur idéologie pour les soutenir. Mais l’idéologie ne pèse rien comparée à la loyauté tribale du système irakien. Les communistes chinois ne s’enroulaient pas des explosifs autour du ventre comme le font les jihadistes. En Irak nous affrontons un clan, un clan vaste et puissant qui se fera tuer jusqu’au dernier s’il le faut. Éliminer les leaders ne suffira pas à ramener le calme.

    Il ne nous reste donc que la dernière et meilleure stratégie, mais aussi la plus risquée : encourager une guerre civile au sein de l’insurrection afin qu’elle passe plus de temps à s’autodétruire qu’à nous attaquer. Sans trop entrer dans les détails, grosso modo vous identifiez les personnes parmi les leaders de l’insurrection qui sont susceptibles d’être corrompus, vous les aidez a à prendre de l’importance dans l’organisation par rapport aux intransigeants (et c’est là qu’il est bon de disposer d’un ou deux commandos d’exécuteurs qui éliminent les plus radicaux parmi les leaders). Une fois que le maillon faible a pris le pouvoir au sein de l’organisation, vous le forcez à signer un accord avec vous.

    Bien évidemment, les durs dans l’organisation n’accepteront jamais cet accord, mais de l’autre côté les modérés que vous avez mis en selle n’accepteront pas non plus de rendre le pouvoir - parce que (a) ils y ont pris goût, et (b) ils n’ont pas envie de se faire torturer et massacrer avec toute leur famille en cas de victoire de l’autre faction. Bingo. Très vite vous aurez une jolie petite guerre civile entre camarades résistants et vous pouvez pimenter la chose en montant une faction contre l’autre afin de les affaiblir tous les deux. Bien sûr, dans un tel scénario, vous ne pouvez pas ouvertement rester en place comme puissance d’occupation. Mais vous pouvez en profiter pour porter des coups terribles à la résistance, étant donné que ce genre de guerre est généralement un grand et long bain de sang. Les principaux bénéficiaires sont les quincailleries étant donné que les ventes de perceuses électriques, de cordes, de fers à souder, de crochets de boucherie explosent, vu le nombre de gens à « traiter » d’une faction à l’autre. Les terroristes et leurs amis se tuent entre eux. Tout bénef pour nous.

    Le meilleur exemple de cette stratégie est l’attitude britannique vis-à-vis de l’IRA en Irlande dans les années 1920. Les rebelles irlandais avaient quasiment éliminé la présence britannique dans les campagnes et faisaient appel à des équipes de tueurs locaux - à l’image des « moineaux » du VietCong - pour éliminer les officiers anglais et leurs complices dans les quartiers. Les Anglais finirent par trouver un accord avec Michael Collins, le chef des brigades urbaines de l’IRA, et lui firent signer un texte dont les termes étaient étudiés pour mettre en rage les durs de l’IRA. Le résultat fut magnifique : l’IRA flingua Collins, se privant ainsi de son meilleur stratège et les Irlandais passèrent 15 ans à se tirer dessus les uns les autres. Pendant ce temps les Anglais n’eurent presque pas de problèmes à « gérer » la province rebelle... du moins jusqu’en 1960 et l’arrivée d’une nouvelle génération de durs à l’IRA.

    Les Israéliens ont tenté de faire exactement la même chose quand ils ont cédé Gaza et des bouts de la Cisjordanie à l’OLP. Ils savaient que le Hamas - bien plus radical et dynamique que le Fatah - ne marcherait pas dans la combine et ils espéraient que les Palestiniens s’entretueraient. Ils savaient que le Hamas était prêt à attaquer le Fatah pour une raison très simple, les services secrets israéliens avaient quasiment fabriqué le Hamas pour faire contre-poids à l’OLP. A l’époque on se disait que les islamistes cul-bénits seraient faciles à manipuler pour qu’ils harcèlent l’OLP et gênent le fonctionnement de l’Autorité Palestinienne (comme si l’OLP avait besoin de cela pour être inefficace). Le plan a très bien fonctionné... trop bien même. Deux Intifadas plus tard, Israël se retrouve avec un gouvernement Hamas légitimement élu et se met à regretter l’époque Arafat. Il était lamentable et lâche, le vieux renard, mais au moins c’était plus facile de discuter avec lui qu’avec ces tarés du Hamas avec leurs 17 enfants chacun et qui ne rèvent qu’au martyre.

    Vous voyez, c’est ça le problème : vous montez les factions rebelles les unes contre les autres et soudain vous vous retrouvez dans un tournoi de salopards où ce sont les plus méchants et les plus déterminés qui gagnent à la fin. Et ensuite vous vous retrouvez avec ces mecs là comme voisins. C’est pas vraiment ce que vous vouliez obtenir. Les Israéliens avaient pourtant remporté quelques succès avec cette stratégie par le passé. Bon, d’un autre côté ce n’est pas très compliqué de provoquer les Arabes à s’entretuer. Le plus dur dans cette affaire - et c’est là que les Israéliens n’ont pas su garder leur calme - c’est de ne pas s’impliquer dans la bagarre tant que le gouvernement fantoche que vous avez mis en place n’est pas suffisamment fort pour entraîner les radicaux dans une vraie guerre civile sanglante et incapacitante pour les deux côtés.

    Dans les années 1920, en Irlande, les Britanniques détestaient Michael Collins plus que tout. Mais ils lui ont quand même donné des armes - et pas seulement des fusils, non, de l’artillerie lourde. Ça c’est de la discipline ! Et bien sûr, à peine les canons débarqués dans le port de Dublin, les partisans de Collins se sont empressés de bombarder les quartiers ou étaient retranchés les factions plus radicales de l’IRA.

    Les Israéliens ne pouvaient pas rester dans les coulisses à ne rien faire étant donné que régulièrement un gamin du Hamas ou du Djihad Islamique venait se faire sauter dans une pizzeria de Tel-Aviv et que l’opinion publique exigeait alors que Tsahal aille faire sauter quelques maisons dans les territoires palestiniens. Cela faisait plaisir à l’opinion publique, mais l’opinion publique, c’est bien connu, est constituée d’un grand nombre de crétins. Sur le long terme cela voulait dire que les Palestiniens avaient toujours une nouvelle raison pour détester les Israéliens et ne trouvaient jamais le temps de consacrer le meilleur de leurs énergies à mettre en place une vraie guerre civile entre factions adverses.

    En conclusion, la guerre intestine est une stratégie qui peut marcher. Mais il faut avoir les nerfs pour le faire. Et même les Anglais de la vieille école n’y arriveraient pas aujourd’hui en Irak. En effet, en 1920, ils avaient en face d’eux une organisation verticale et disciplinée avec des chefs qui savaient se faire obéir. Aujourd’hui, en Irak, qui avons-nous en face de nous ? Vous aurez probablement plus de succès à tenter de manipuler les cafards dans votre cuisine.

    Personne ne dirige vraiment l’insurrection, et personne ne dirige les milices chiites non plus, du moins pas au niveau national. Sadr ? Il restera en place aussi longtemps qu’il gesticule dans le sens où les durs du mouvement veulent qu’il le fasse, mais s’il tente quoi que ce soit de modéré, il connaîtra le sort de Sistani. Les petits gars là-bas sont plus que motivés. Ils n’ont pas besoin d’aide. Ils ne veulent pas se modérer. Ils s’amusent comme des petits fous. La guerre en Irak n’est pas très drôle pour les autres groupes de la population, du genre les femmes et les hommes de plus de 25 ans. Mais pour les garçons irakiens entre 15 et 25 ans, ces dernières années ont été les plus forts moments de leur vie, des années d’or. Alors allez leur dire qu’il faut se calmer et négocier...

    Quand vous avez affaire à une insurrection, le facteur clé est le leadership. C’est lui qui détermine vos options. Cela va de l’organisation pyramidale du Vietcong jusqu’au chaos total de l’Irak d’aujourd’hui. C’est en fonction de la manière dont les insurgés sont organisés que vous décidez quelle stratégie anti-insurrectionnelle adopter. Plus la pyramide de commandement est verticale, plus vous avez de chances de faire jouer des stratégies d’élimination ciblée et de négociation avec des modérés. Mais quand la pyramide de commandement est plate voire inexistante, quand l’insurrection est chaotique et géographiquement localisée, alors soudain vous commencez à regarder d’un autre oeil vos amies les ogives nucléaires tactiques et les jolis petits périmètres propres et dégagés qu’elles permettent de créer.

    Gary Brecher
    Voltaire

    Lire aussi :
    • 09/12/2006, Dahr Jamail et Ali Al-Fadhily, Irak : tout doit disparaître, IPS News
    • JONES Terry, Ma guerre contre la "guerre au terrorisme", Flammarion, 2006.

    • Présentation, Le Monde diplomatique
    • Extrait, Le magazine de l'Homme Moderne
    • Extrait, Michel Collon
    • Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Revue de presse
    • Terry Jones, Powell a la langue fourchue, LMSI
    • Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Un Monty Python contre « la guerre au terrorisme », LMSI
    • Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Un Monty Python contre l’axe du bien, AgoraVox
    • Terry Jones, un Monty Python contre l’Axe du Bien, DavDuf
    • Terry Jones, un Monty Python contre l’Axe du Bien. Extrait : « Péril en la grammaire », DavDuf
    • Arme de dérision massive, CQFD
    • La croisade des charlatans, CQFD
    • Anthologie de la War on Terror, CQFD
    • Terry Jones, Articles, Voltaire
    • Guerre contre le terrorisme, Wikipédia
    • Dossier documentaire & Bibliographie Irak, Monde en Question

    8 décembre 2006

    Revue de presse Palestine/Israël (2)

    Lætitia BUCAILLE, Israël face aux attentats-suicides : le nouvel ethos de la violence, Cultures & Conflits n°63 (automne 2006).

    06/12/2006, Lettre de Jérusalem, Le Monde diplomatique

    07/12/2006, Ashoka, Palestine Israël : L’état des lieux, Oulala

    08/12/2006, Akiva Eldar, Sachez-le, les enfants : ceci est la Ligne Verte, CCIPPP

    08/12/2006, Samar Al-Gamal, L’entracte des doutes, CCIPPP

    7 décembre 2006

    Société israélienne : un consensus nationaliste

    La récente agression israélienne au Liban a fait l'objet d'un consensus quasi-général en Israël. Ni le spectacle des destructions, des morts de civils, des centaines de milliers de réfugiés sur les routes, ni même la perte de ses propres soldats et la riposte contre ses villes frontalières et Haïfa ne l'ont fait vaciller. La majorité des intellectuels, en particulier « de gauche », ont soutenu la guerre pendant au moins trois semaines. Et ce qui, finalement, a bouleversé la majorité de la société israélienne, c'est de n'avoir pas « gagné la guerre ». Aujourd'hui en Israël, le débat ne porte pas sur la légitimité du lancement de l'offensive, ni sur la légalité des moyens utilisés ou sur les énormes dommages causés, mais sur les défaillances des services de renseignement et sur la mauvaise conduite de la guerre. Pourquoi ce consensus ? Il y a plusieurs niveaux d'explication, les unes relevant de la réaction immédiate, d'autres renvoyant à l'histoire ancienne et plus récente.

    Le 25 juin 2005, un soldat israélien en uniforme est capturé dans un camp militaire à Gaza. Israël en profite aussitôt pour se déchaîner sans réelle réaction de la communauté internationale. C'était la grande répétition avant le Liban. Le 12 juillet, une action militaire du Hezbollah se solde par plusieurs morts militaires et l'enlèvement de deux soldats à la frontière libanaise côté israélien. La réaction est immédiate et si massive qu'il est impensable qu'elle n'ait pas été préparée longtemps à l'avance.

    Car bien sûr, tout ne commence pas à Gaza le 25 juin et au Liban le 12 juillet. Ces agressions font partie de la longue chaîne d'événements qui voudraient aboutir à l'impossibilité de l'établissement d'un Etat palestinien souverain sur les frontières d'avant la guerre de 1967 et, au-delà, au remodelage du Moyen-Orient et à sa vassalisation à la puissance américaine. Dès le début néanmoins, il y a eu des Israéliens qui se sont élevés contre l'attaque du Liban. Ils ont manifesté presque tous les jours devant les bureaux du Premier ministre et du ministre de la Défense. Mais, peu visibles car occultés par la presse, ils étaient bien peu nombreux : au début quelques centaines ; petit à petit leur nombre est passé à un millier, puis à plusieurs milliers. Ce nombre reste très faible si on le compare aux mobilisations qu'avait provoquées en 1982 l'invasion israélienne du Liban après les massacres de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et de Chatila. Comment expliquer un tel consensus ?

    De la peur existentielle à la « guerre juste »

    En premier lieu, la peur. Tant le succès de l'action armée qui a déclenché la riposte israélienne que la résistance inébranlable d'un petit groupe de guérilla et le fait que des missiles peu sophistiqués aient pu atteindre des villes à l'intérieur d'Israël ont sapé la confiance que les Israéliens avaient dans leurs capacités militaires et dans l'effet de dissuasion de leur puissante armée. « Habitués à l'usage unilatéral de la violence, les citoyens de l'Etat d'Israël sont, ces jours-ci, totalement désorientés et, comme d'habitude, ont un fort sentiment d'être des victimes, victimes de la haine en tant que Juifs », écrit Michel Warschawsky [1]. Jusqu'à quelle distance ces missiles peuvent-ils frapper Tel-Aviv ? L'Israélien moyen s'est senti en danger, ce qui a renforcé son réflexe nationaliste, « tribal ». Il a senti plus ou moins confusément que la mort était au coin de la rue et pouvait frapper en tout lieu. Ce sentiment a renforcé la paranoïa nationale et s'est traduit d'une part par un soutien plus fort à la guerre, y compris de la mouvance « de gauche », et d'autre part à un glissement vers la droite plus extrême incarnée par Benyamin Netanyahou. De ce point de vue, les roquettes du Hezbollah ont encore avivé ces réflexes instinctifs qui mènent à soutenir l'unité nationale et à légitimer, aux yeux d'une opinion publique persuadée que l'Autre veut le détruire, le terrorisme militaire de l'Etat israélien et son action destructrice. D'autant plus que les adversaires sont présentés comme n'étant que les islamistes, dont l'image est diabolisée et terrorisante. Donc une peur profonde, intériorisée, existentielle. Un sentiment d'avoir été attaqués sans raison. Dans ce contexte, les incursions israéliennes quotidiennes, terrestres, maritimes, aériennes, dans l'espace libanais qui n'ont jamais cessé même après le retrait israélien de 2000, de même que l'enlèvement et l'assassinat de ressortissants libanais en territoire libanais les mois précédents sont passés sous silence. Les Israéliens ont le droit de « se défendre » par tous les moyens...

    Quelles qu'en soient les raisons, se sentant attaqués au sud par des éléments du Hamas, au nord par le Hezbollah, des groupes islamistes, qualifiés de terroristes alors même qu'ils visent des cibles militaires et qu'ils respectent de longues périodes de trêve en demandant l'application du droit international, les Israéliens ont le sentiment qu'ils ont le devoir de participer à la « guerre contre le terrorisme » de leur ami et allié américain, leurs dirigeants s'en présentant comme les fers de lance. Qu'en attaquant sans pitié les peuples dont ces combattants sont issus, ils sont dans une « guerre juste », le bras armé d'une croisade du bien contre le mal. Quand on diabolise l'ennemi, celui-ci n'est plus considéré comme humain. Le droit et la compassion ne sont alors plus de mise.

    Ce sentiment de légitimité de la violence utilisée a été conforté par l'attitude de la communauté internationale [2]. Le refus de celle-ci de condamner l'agression israélienne s'inscrit, en adoptant les concepts lancés par Israël [3], dans la relecture du sens du conflit : les causalités sont inversées et les agresseurs deviennent les agressés, ce qui aboutit à sanctionner les occupés. Cela contribue à nourrir le double sentiment israélien d'impunité et de légitimité.

    Tout cela n'explique pas le consensus devant le spectacle de l'horreur infligée, ni le manque de réflexion qu'il traduit sur l'isolement tragique d'Israël dans la région que ce déchaînement de violence va immanquablement entraîner. Mais quelle information reçoivent les Israéliens ?

    Le rôle des médias dans la formation du consensus

    Quelques journalistes courageux ont essayé de faire entendre leur voix. Leurs articles ont parfois été publiés dans les pages « opinions » de journaux comme Ha'aretz, mais ils ont été noyés dans l'écrasante machine de propagande de l'armée. Celle-ci a envahi les grands médias audiovisuels et même la presse écrite. Les généraux, en uniforme ou non, s'y succédaient du matin au soir, pour commenter, expliquer et justifier en donnant des communiqués de victoire et en minimisant les échecs et les pertes israéliennes. Tous les médias (sauf certains sites internet comme celui de Gush Shalom) ont totalement occulté les nouvelles sur les manifestations contre la guerre. Il est souvent trop facile d'accuser les médias quand l'opinion s'enflamme. Mais en l'occurrence il est intéressant de lire sur ce sujet Uri Avnery, journaliste professionnel passionné qui, depuis le début de la guerre, a publié sur le site internet de son organisation, Gush Shalom, une chronique bi-hebdomadaire rendant compte de la situation en Israël et plus particulièrement de l'état de l'opinion [4]. Il a expliqué, dans son article du 2 septembre, ce phénomène de mise au pas des médias derrière le gouvernement et l'armée (voir à la fin de l'article).

    La faillite des intellectuels du « camp de la paix » ?

    Dans de telles périodes, les intellectuels jouent généralement le rôle de réveilleurs de conscience. D'intellectuels, en particulier « de gauche », Israël n'en manque pas. Malheureusement, la majorité d'entre eux ont soutenu la guerre avec enthousiasme. Dès le début et presque jusqu'à la fin, nombre d'écrivains internationalement connus comme Amos Oz, A.B. Yehoshua et même David Grossman ou Yoram Kaniuk ont justifié la guerre et ont écrit des communiqués de soutien. Amos Oz a écrit un article en sa faveur qui a été diffusé dans de grands journaux étrangers. Uri Avnery a analysé ces faits dans son article du 6 septembre. Il commente : « Je ne pense pas que la guerre aurait atteint des proportions aussi monstrueuses sans le soutien massif des gens "de gauche-mais" [5] qui a rendu possible la formation d'un consensus général, sans entendre la protestation du camp de la paix cohérent. Ce consensus a emporté le parti Meretz, dont le gourou est Amos Oz, et La Paix Maintenant. (...) »

    Pourquoi cet unisson ? Ces personnes se réclamant de la gauche étaient-elles gênées de critiquer un gouvernement dans lequel un dirigeant travailliste, Amir Peretz, jouait un rôle majeur ? L'argument aurait expliqué au plus le silence mais pas un soutien aussi actif. Et, quoiqu'il en soit, devant des enjeux aussi importants, cette explication politicienne n'aurait pas suffi.

    Les raisons de fond du consensus israélien

    A cette question Tamar Pelleg, Israélienne d'origine polonaise rescapée du nazisme, avocate de prisonniers palestiniens, nous a répondu : « Cette partie, large, du « camp de la paix » appartient à la majorité sioniste d'Israël. Globalement elle soutient aussi l'actuelle politique mondiale américaine et ses initiatives. En termes israéliens, elle est préoccupée par le " problème démographique" c'est-à-dire qu'elle a peur d'avoir trop de Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés. Cette obsession est à la base de ses idées politiques et de ses actions. »

    Cette réponse rattache les raisons du consensus israélien pour la guerre à toute l'histoire du conflit israélo palestinien. Elle rejoint en cela Uri Avnery quand, dans sa chronique du 6 septembre, il revient sur le rôle de la « gauche » israélienne : « (...) Depuis le début du mouvement travailliste juif dans le pays, la gauche a souffert d'une contradiction interne : elle était à la fois socialiste et nationaliste. De ces deux composantes, le nationalisme était de loin la plus importante. » et, après avoir donné des exemples sur l'organisation syndicale israélienne, la Histadrout, et sur l'idéologie des kibboutz, il conclut : « Dans toutes les vraies épreuves, cette contradiction interne de la "gauche sioniste" (comme ils aiment s'appeler eux-mêmes) devient évidente. C'est la racine de la double personnalité des "de gauche-mais". Quand les canons grondent et que les drapeaux sont hissés, les « de gauche-mais » se mettent au garde-à-vous et saluent. »

    On peut distinguer trois niveaux d'explication. Le premier en référence à l'esprit des fondateurs de l'Etat d'Israël : « L'Etat d'Israël, quand il a été établi,a choisi de se présenter en Asie occidentale comme des conquérants européens qui se considèrent comme une tête de pont de la "race blanche" et un maître des "autochtones" ».(...). Ce n'était pas inévitable (...). Mais, après chaque énorme pas en avant (des Palestiniens et des Arabes), il y a eu un pas en arrière israélien. (...) [6]» Le deuxième niveau d'explication s'inscrit dans le contexte de la politique américaine actuelle de guerre des civilisations. Tout se passe comme si la société israélienne, dans sa majorité juive, avait intériorisé toute la rhétorique de la droite américaine de la croisade contre le terrorisme (islamique) et elle consolide aujourd'hui son statut d'élément étranger à la région [7]. Enfin un troisième niveau d'explication relève de la spécificité du conflit israélopalestinien : l'intégration par la société israélienne des arguments donnés par les dirigeants israéliens pour expliquer l'échec de Camp David et pour enraciner l'idée que les négociations avec les Palestiniens sont impossibles faute d'interlocuteurs puisqu'ils refuseraient même le principe de la paix.

    La société israélienne n'a pas entendu l'avertissement du regretté professeur Yechayahou Leibovitz qui avait prévu ce qui allait arriver à Israël si celui-ci ne rendait pas les territoires occupés à l'issue de la guerre. Dès 1967 : l'occupation « transformera le peuple israélien en un peuple de policiers et de barbouzes. » En 1973 : « S'il n'y a pas de chances de paix, il n'y a pas non plus de "sécurité" possible. S'il n'y a pas de frontières sur lesquelles on s'entende, il n'y a pas de frontières sûres. L'idée que des lignes fortifiées, prônées par les raisonnements de la géographie militaire, garantissent la sécurité, est réfutée par l'Histoire. (...) La possession de territoires (occupés) ou de "lignes" ne garantit en rien la sécurité ». Plus tard, parlant du Hezbollah à propos de l'invasion du Liban du début des années 80 qu'il qualifie de « folie criminelle » : « Le phénomène Hezbollah lui-même est le produit du fait que le peuple palestinien vit sous notre domination et que nous occupons une partie du territoire libanais. » Et à propos de l'échec d'une solution du conflit avec les Palestiniens : « C'est de notre faute. Nous nous obstinons à vouloir dominer le peuple palestinien. [8

    Aujourd'hui un vif débat traverse Israël que Sylvain Cypel résume ainsi [9] : « Deux tendances se dégagent des vigoureux débats qui s'engagent. La première vise à remédier aux principales incuries "logistiques". Si Israël n'a pas gagné, c'est qu'il était mal préparé et s'y est mal pris. La seconde remet en cause la logique même de la force comme réponse spontanée à toute situation conflictuelle avec ses voisins. Selon que l'on adopte l'une ou l'autre des deux attitudes, les leçons à tirer sont diamétralement opposées. » Les premiers sont, souligne l'auteur, très majoritaires. La société israélienne, en faisant le choix de la force, se met elle-même en danger. Elle crée les conditions d'une violence accrue contre elle et en son sein. La société internationale peut l'aider à ouvrir les yeux en obligeant, y compris par des sanctions, son gouvernement à choisir la voie du droit à la place de celle de la force. Pour cela les forces qui s'opposent à la logique du conflit des civilisations doivent arriver à faire de cette région, non le centre de gravité de ce prétendu « conflit » mais celui, pour lequel elle est particulièrement bien placée, du dialogue des civilisations.

    Sylviane de Wangen

    Quand Napoléon a gagné à Waterloo
    par Uri Avnery, 2 septembre 2006 (extraits)

    « Quand la guerre a éclaté, les gens des médias se sont mis en rang et ont marché au pas comme un bataillon de propagandistes. Tous les médias, sans exception, sont devenus des outils de l'effort de guerre, encensant Olmert, Peretz et Halutz, s'enthousiasmant à la vue de la destruction du Liban et chantant les louanges de la "ténacité de la population civile" du nord d'Israël. Les gens étaient soumis à un déluge incessant de communiqués victorieux, sans discontinuer du matin tôt au soir tard. Le gouvernement et les porte-parole de l'armée, en liaison avec l'entourage d'Olmert, décidaient ce qu'il fallait publier et quand, et, plus important, ce qu'il fallait supprimer. Cela s'est traduit dans des euphémismes et des manipulations de langage. Au lieu des mots appropriés on employait des expressions trompeuses : quand de violentes batailles faisaient rage au Liban, les médias parlaient d'"échanges de tirs". Le trouillard Hassan Nasrallah "se cachait" dans son bunker, alors que notre courageux chef d'état-major dirigeait les opérations de son poste de commandement souterrain (appelé "le trou"). Les "terroristes" peureux du Hezbollah se cachaient derrière les femmes et les enfants et opéraient depuis l'intérieur des villages, contrairement à notre ministère de la Défense et à notre quartier général qui se trouvent au coeur de la zone la plus densément peuplée d'Israël. Nos soldats n'ont pas été capturés dans une action militaire, mais "enlevés" comme des victimes de gangsters, alors que notre armée "arrête" les dirigeants du Hamas. Le Hezbollah, c'est bien connu, est "financé" par l'Iran et la Syrie, au contraire d'Israël qui "reçoit un soutien généreux" de notre grand ami et allié, les Etats-Unis. (...) »

    Publié par AFPS.


    [1] Michel Warschawski, « La guerre préventive permanente d'Israël et les limites de l'unilatéralisme », 20 juillet 2006, France-Palestine.
    [2] cf. article dans ce même numéro page 38.
    [3] Témoins sa réaction à l'annonce du plan de désengagement unilatéral de Gaza, sa qualification du parti Kadima de parti modéré, son acceptation de l'Etat d'Israël dans le groupe des pays occidentaux à l'ONU.
    [4] L'ensemble des chroniques d'Uri Avnery se trouve sur le site internet de l'AFPS. Le lecteur nous pardonnera de construire cet article à partir essentiellement de ces chroniques. Mais c'est l'auteur parmi les rares ayant pris immédiatement et le plus nettement position contre la guerre, qui a le plus observé l'évolution de l'opinion israélienne pendant cette période et qui l'a analysée avec ses presque 70 ans de participation à la vie politique sur place.
    [5] Faisant référence au début de son article : « Durant la récente guerre, j'ai souvent entendu des phrases commençant par : "Je suis de gauche, mais...". Ces mots étaient invariablement suivis de propos de droite. »
    [6] Uri Avneri « Le rottweiler de l'Amérique », 26 août 2006.
    [7] Meron Benvenisti, « Le retournement n'est pas loin », juillet 2006, France-Palestine.
    [8] Joseph Algazy, La Mauvaise conscience d'Israël, entretiens avec Yechayahou Leibovitz, Le Monde éditions, 1994.
    [9] Sylvain Cypel, « L'impuissance de la puissance », Le Monde, 20-21 août 2006.

    4 décembre 2006

    MSR soutient la guerre coloniale contre les Palestiniens

    Ségolène Royal et Ehud Olmert se sont trouvés énormément de points en commun... Fidèle à son passé colonialiste, le parti socialiste français a confirmé, si besoin était, son engagement pro-israélien.


    Ségolène Royal et Ehud Olmert sont en "parfaite harmonie" sur la question du nucléaire civil iranien, a déclaré Jean-Pierre Masseret, président de la région Lorraine, qui a assisté à leur rencontre à la Knesset.

    Lors de cet entretien qui a clôturé la tournée de la candidate présidentielle socialiste au Proche-Orient, elle a également évoqué avec le Premier ministre israélien le sort des deux militaires israéliens enlevés en juillet par des miliciens libanais.

    "Elle a absolument rappelé sa position, disant que le nucléaire civil iranien pouvait très naturellement aboutir au nucléaire militaire et qu’il fallait trouver d’autres solutions énergétiques pour l’Iran", a expliqué à des journalistes Jean-Pierre Masseret, ancien secrétaire d’Etat à la Défense chargé des anciens combattants dans le gouvernement de Lionel Jospin.

    "C’était net, carré, direct et en parfaite harmonie entre les deux positions", a-t-il ajouté.

    Ségolène Royal s’est démarquée de la majorité des personnalités politiques françaises en s’opposant à l’accès de l’Iran aux technologies nucléaires civiles.

    Elle s’est ainsi attirée les moqueries de certains élus de l’UMP et du PS qui ont estimé qu’elle ignorait les termes du Traité de non prolifération nucléaire.

    Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste a confirmé une "convergence de vues" entre les deux interlocuteurs sur ce sujet.

    Quelques jours après la visite de la candidate au Liban, la situation très tendue entre les deux pays été évoquée.

    "C’était très intéressant d’entendre ce qu’elle avait à dire sur sa visite" au Liban, a déclaré Ehud Olmert, qui s’est dit "très heureux de l’accueillir ici".

    La question des survols du Sud-Liban par les avions de chasse israéliens, évoquée dimanche par Ségolène Royal avec la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni, n’a pas été abordée lors de son entretien avec le Premier ministre.

    "Je crois que c’est très utile et très fructueux de pouvoir ainsi, de façon très directe et très simple, donner la vérité d’une parole, une impression de contenu, de rencontre", a déclaré Ségolène Royal.

    "Si je peux contribuer par cet échange d’informations à faire en sorte que les choses soient comprises sous d’autres facettes, je crois que c’est très utile", a-t-elle ajouté.

    Reuters-Yahoo

    Revue de presse Palestine/Israël (1)

    29 novembre 1947 : Le partage et l’occupation de la Palestine, France-Palestine.

    60 années après la partition de la Palestine, Protection-Palestine.

    Derrière le mur : chroniques de la vie quotidienne dans les Territoires palestiniens, par Karim Lebhour :
  • Blog-notes de Ramallah (1), RFI
  • Blog-notes de Ramallah (2), RFI
  • Blog-notes de Ramallah (3), RFI
  • Blog-notes de Ramallah (4), RFI
  • Blog-notes de Ramallah (5), RFI
  • 30 novembre 2006

    "Le problème avec Israël"

    Une analyse de Jeff halper, coordinateur du Comité Israélien contre la destruction des maisons (ICAHD), qui fait parfaitement le point sur la politique israélienne de refus systématique de toute perspective de paix, avec l’énumération de toutes les offres de paix rejetées par Israël depuis 1948.

    «Soyons honnêtes (pour une fois). Le problème au Proche-Orient ce n’est pas le peuple palestinien, ni le Hamas, ni les Arabes, ni le Hezbollah ou les Iraniens ou la totalité du monde musulman. C’est nous, les Israéliens.

    Le conflit israélo-palestinien, la véritable grande raison de l’instabilité, de l’extrémisme et de la violence dans notre région, c’est peut-être le conflit le plus simple du monde à résoudre. Depuis presque 20 ans, depuis la reconnaissance par l’OLP d’Israël dans les frontières de l’armistice de 1949 (la «ligne verte» qui sépare Israël de la Cisjordanie et de Gaza) tous les leaders palestiniens soutenus par la grande majorité de la population palestinienne, ont proposé à Israël une offre des plus généreuses : un état juif sur 78% (du territoire) d’Israël/Palestine en échange d’un état palestinien sur seulement 22% (du territoire restant) La Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.

    En fait, c’est une proposition soutenue par une grande majorité des peuples Palestinien comme Israélien. (Selon le Ha’aretz du 18 janvier 2005, quelque 63 % des Palestiniens soutiennent le projet selon lequel, après l’établissement de l‘état Palestinien et une solution pour tous les problèmes en suspens, y compris celui des réfugiés et de Jérusalem, une déclaration serait publiée reconnaissant l’état d’Israël en tant qu’état du peuple juif et l’état palestinien en tant qu’état du peuple palestinien. Du côté israélien 70 % soutenaient l’idée d’une reconnaissance mutuelle. (...)

    Si Israel mettait fin à l’Occupation avec un arrangement politique qui satisferait les besoins fondamentaux des deux peuples, les Palestiniens pourraient faire ce qui serait peut-être la contribution la plus importante de toute à la paix et à la stabilité du Proche Orient. Les Palestiniens possèdent, malgré leur faiblesse, l’unique source d’un formidable pouvoir, l’unique atout critique : ils sont les gardiens du Proche Orient. Parce que le conflit palestinien est emblématique il résume le «clash des civilisations», tel qu’il est vécu par l’ensemble des musulmans.

    Le problème c’est Israël, à la fois dans ses formes d’avant et d’après l’Etat qui depuis les cent dernières années a fermement refusé de reconnaître l’existence nationale et les droits à l’auto détermination du peuple palestinien. Dans le passé, et maintenant encore, il a toujours dit «non» à toute possibilité de faire véritablement la paix et dans les termes les plus clairs.

    Le dernier exemple c’est le Plan de Convergence (ou de Réalignement) d’Ehoud Olmert qui cherche à mettre un terme définitif au conflit en imposant le contrôle israélien sur un pseudo état palestinien «souverain».

    «Israël maintiendra son contrôle sur les zone de sécurité, les blocs de colonies juives, et les endroits qui ont une importance suprême et nationale pour le peuple juif, d’abord et avant tout Jérusalem unifiée sous souveraineté israélienne» a déclaré Olmert à la conférence d’Herzliya de janvier 2006. «Nous ne permettrons pas l’entrée des réfugiés palestiniens dans l’état d’Israël». Le plan d’Olmert qu’il avait promis de mettre en route dès que le Hamas et le Hezbollah seraient supprimés, devrait perpétuer le contrôle israélien sur les Territoires Occupés. Cela ne rendrait pas possible l’existence d’un état palestinien viable. Alors que la «Mur de séparation», la frontière démographique d’Israël à l’Est, ne prend que 10 à 15% de la Cisjordanie, il incorpore à Israël les blocs majeurs de colonies, découpe la Cisjordanie en petit «cantons» (le mot est de Sharon) sans continuité territoriale, et appauvris, et enlève aux Palestiniens leurs riches terres agricoles et l’une des principales ressources en eau. Il crée aussi une «grande» Jérusalem israélienne sur tout une portion centrale de Cisjordanie, coupant du même coup le cœur économique, culturel, religieux et historique de tout état palestinien. Il prend alors en sandwich les Palestiniens entre le Mur/frontière et une autre frontière de sécurité, la vallée du Jourdain, donnant à Israël deux frontières à l’est. Israël garderait le contrôle de toutes les ressources nécessaires à un état palestinien viable et pour faire bonne mesure Israël s’approprierait l’espace aérien palestinien, leur sphère de communications et même le droit de l’ Etat palestinien à conduire sa propre politique étrangère.

    Ce plan est évidemment inacceptable pour les Palestiniens - une évidence qu’Olmert ne connaît que trop bien - aussi doit-on l’imposer unilatéralement, avec le concours américain. Mais qui s’en soucie ? Nous avons refusé de dialoguer vraiment avec Arafat, refusé absolument de parler avec Abu Mazen, boycotté en ce moment tout le gouvernement Hamas pourtant élu, en arrêtant ou en assassinant ceux qui y sont associés. Et si «Convergence» ne flotte pas cette fois dans l’air, eh bien, le maintien du statu quo pendant qu’on construit des colonies a été la véritable politique des quarante dernières années et peut durer indéfiniment. En vérité, Israël est tombé dans une violence aveugle et inutile. La guerre du Liban en 2006 et, au moment où j’écris ces lignes, l’assaut d’une violence croissante contre Gaza.

    Mais le public israélien a accepté la ligne de Barak selon laquelle il n’y a pas de «partenaire pour la paix». Ainsi ,si il y a un mécontentement parmi les votants, ils vont plus probablement jeter la gauche libérale au «cœur saignant» et ramener la droite avec sa doctrine d’échec, de sécurité basée sur le militaire. Pourquoi ? Si les israéliens ont un besoin vital de paix et de sécurité - «Le droit d’être normal» selon Olmert récemment, alors pourquoi n’ont ils pas saisi, ou au moins exploré, chacune et toutes les occasions de résoudre le conflit ? Pourquoi élisent-ils continuellement des gouvernements qui poursuivent agressivement l’expansion des colonies et la confrontation militaire avec les Palestiniens et les voisins d’Israël s’ils veulent se débarrasser quand même du fardeau de l’occupation ? Pourquoi, si la plupart des israéliens désirent se «séparer» des Palestiniens, offrent-ils tellement peu de choses que la séparation n’est tout simplement pas une option, même si les Palestiniens veulent faire des concessions majeures ?

    «Les dossiers du Ministère Israélien des Affaires Etrangères» écrit l’historien israélo-anglais Avi Shlaim dans «le Mur de fer» (2001 : 49) «croulent sous les preuves que des éclaireurs arabes étaient prêts à négocier avec Israël dès Septembre 1948». Prenons simplement quelques exemples des occasions délibérément rejetées :

    Au printemps et à l’été de 1949 Israël et les états arabes se sont rencontrés sous les auspices du Comité de Conciliation pour la Palestine des Nations Unies (PCC) à Lausanne en Suisse. Israël n’a voulu faire aucune concession territoriale ni faire revenir 100 000 des 700 000 réfugiés ce que réclamaient les Arabes. Pour autant, cependant, il y a eu la remarque que fit Ben Gourion lors d’une réunion de son cabinet, à savoir que le public israélien était «ivre de la victoire» et nullement d’humeur à des concessions «maximales ou minimales» selon le négociateur israélien Elias Sasson.

    En 1949, le leader syrien Husni Zaim avait déclaré ouvertement qu’il était prêt à être le premier leader arabe à conclure un traité de paix avec Israël - et à accueillir la moitié des réfugiés palestiniens en Syrie. Il offrit sans relâche de rencontrer Ben Gourion, qui refusa obstinément. A la fin c’est seulement un accord d’armistice qui fut signé.

    Le roi Abdallah de Jordanie engagea deux ans de négociations avec Israël mais ne pût jamais faire de percée significative sur aucun sujet important avant son assassinat. Son offre de rencontrer Ben Gourion fut aussi refusée. Ce que le ministre des affaires étrangères Moshe Sharett a commenté de manière révélatrice : «Un Transjordanien a dit nous sommes prêts pour une paix immédiate ; nous avons dit, évidemment, que nous voulions aussi la paix, mais nous ne pouvons pas courir, nous devons marcher». Trois semaines avant d’être assassiné, le roi Abdallah avait déclaré «Je pourrai justifier la paix si je pouvais souligner les concessions faites par les Juifs. Mais sans aucune concession de leur part, j’ai perdu avant de commencer».

    En 1952-53 d’intenses négociations se sont tenues avec le gouvernement Syrien d’Adib Shishakli un leader pro américain qui était pour un r’églement avec Israël. Ces conversations ont échoué parce qu’Israël insistait pour avoir le contrôle exclusif de la mer de Galilée, le Lac Huleh et le Jourdain.

    Les offres constantes de Nasser pour avoir des conversations de paix avec Ben Gourion commençant peut après la Révolution de 1952, ont terminé en définitive sur un refus du successeur de Ben Gourion, Moshe Sharett, de continuer le processus et sur une attaque israélienne dévastatrice (conduite par Ariel Sharon) contre une base militaire égyptienne à Gaza.

    En général l’inflexibilité israélienne de l’après guerre était due à son succès dans les négociations des accords d’armistice, qui lui laissa une situation politique, territorial et militaire supérieure. «La menace de guerre avait été repoussée» écrit l’historien israélien Benny Morris dans son livre «Righteous Victims» «Aussi pourquoi s’efforcer de faire une paix impliquant des concessions territoriales majeures ?». Dans un télégramme à Sharett, Ben Gourion proclama catégoriquement ce que deviendrait la politique israélienne à long terme, essentiellement valide jusqu’à aujourd’hui : «Israël ne discutera pas d’une paix impliquant la concession de quelque morceau que ce soit du territoire. Les états voisins ne méritent pas un pouce de la terre d’Israël. Nous sommes prêts pour la paix en échange de la paix». En juillet 1949, il déclara à un journaliste américain venu le rencontrer «Je ne suis pas pressé et je peux attendre dix ans. Nous ne subissons aucune pression». Et pourtant, cette période a vu émerger l’image de leaders arabes, en ennemis inflexibles, épicée si soigneusement par Israël et représentant une part si puissante du cadrage Israélien. (Morris (1999 : 268) le résume succinctement et franchement : «Pendant des dizaines d’années, Ben Gourion e après lui les administrations successives, ont menti à l’opinion publique israélienne sur les ouvertures de paix de l’après 48 et sur l’intérêt arabe pour un accord. Les leaders arabes (avec la possible exception d’Abdallah) étaient présentés, une fois pour toutes, comme un tas de bellicistes irrécupérables, décidés à détruire Israël. L’ouverture récente des archives israéliennes offre une image autrement plus complexe.

    A la fin de l’année 1965 Abdel Hakim Amer, le vice président et le commandant adjoint de l’armée égyptienne invita le chef du Mossad, Meir Arnit, à venir au Caire. Cette visite fut interdite après une dure opposition de la part d’Isser Harel, le conseil en renseignement d’Eshkol. La guerre de 1967 aurait-elle pu être évitée ? Nous ne le saurons jamais.

    Immédiatement après la guerre de 1967 Israël envoya des émissaires à la recherche d’un accord avec les Palestiniens de Cisjordanie et de Jordanie. Les Palestiniens voulaient entrer dans des discussions de paix, mais seulement si cela signifiait un état palestinien indépendant, une option qu’Israël n’a jamais même conçue. Les Jordaniens étaient aussi prêts, mais seulement s’ils recevaient tout le contrôle sur la Cisjordanie et en particulier, Jérusalem Est et ses lieux saints. Le roi Hussein tint même des réunions avec les responsables israéliens mais le refus d’Israël d’admettre un plein retour des territoires ont fait échoué le processus. L’annexion d’une zone du «grand» Jérusalem et le programme immédiat de construction de colonies ont bloqué toute chance à la paix pleine et entière.

    En 1971 Sadate envoya une lettre à la Commission Jarring des Nations Unies exprimant la volonté de l’Egypte d’entamer un accord de paix avec Israël. L’acceptation israélienne aurait pu empêcher la guerre de 1973. Après la guerre Golda Meir repoussa sommairement de nouvelles conversations de Sadate pour une ouverture de paix faites.

    Israël a ignoré de nombreux émissiares envoyés par Arafat et d’autres leaders palestiniens au début des années 1970, ignorant leur volonté de discuter de la paix avec Israël.

    Les tentatives de Sadate en 1978 pour résoudre le problème palestinien en tant que participant du processus de paix ont été repoussés par Begin qui refusait de considérer autre chose que «l’autonomie» palestinienne.

    En 1988 à Alger, faisant partie de sa déclaration de l’indépendance palestinienne, l’OLP a reconnu Israël à l’intérieur de la Ligne verte et exprimé la volonté d’entamer des discussions.



    En 1993, au début du processus d’Oslo, Arafat et l’OLP ont réitéré par écrit leur reconnaissance d’Israël à l’intérieur des frontières de 1967. (pour mémoire, sur 78% de la Palestine historique.). Bien qu’ils aient reconnu Israël comme état «légitime» au Proche Orient, Israël n’a pas rendu la pareille. Le gouvernement Rabin n’a pas reconnu le droit national des Palestiniens à l’auto détermination, mais voulait seulement reconnaître les palestiniens comme partenaires de négociation. Ni à Oslo ni ensuite Israël n’a jamais été d’accord pour abandonner les territoires qu’il a conquis en 1967, en faveur d’un état palestinien, bien que ce soit la position des Nations Unies (Résolution 242), la communauté internationale (incluant jusqu’à Bush, les Américains) et depuis 1988 les Palestiniens.

    Peut-être l’occasion ratée la plus importante de toutes a-t-elle été la façon dont les gouvernements successifs Travailliste et Likoud ont sapé tout état palestinien viable en doublant la population de colons israélien au cours des sept années du «processus de paix» d’Oslo (1993-2000), éliminant ainsi à coup sûr la solution à deux états.

    A la fin de 1995, Yossi Beilin, membre clef de l’équipe des négociateurs d’Oslo , a présenté à Rabin «le document d’Oslo» (négocié avec l’équipe d’Abu Mazen) pour résoudre le conflit. Ces accords étaient si prometteurs qu’Abu Mazen avait les larmes aux yeux après l’avoir signé. RAbin a été assassiné quelques jours plus tard et son successeur, Shimon Peres, l’a vidé de son sens.

    Le refus d’Israël de la volonté syrienne de négocier la paix, répété sans fin jusqu’à ce jour,tant qu’ Israël devrait faire des concessions à propos des Hauteurs occupées du Golan

    Le parfait mépris de Sharon pour l’offre en 2000 de la Ligue Arabe de reconnaissance, de paix et d’intégration régionale en échange de sa renonciation à l’Occupation

    La disqualification par Sharon d’Arafat, de loin le plus aimable et coopératif partenaire qu’Israël ait jamais eu, et son boycott ultérieur d’Abu Mazen.

    Olmert a déclaré hors sujet le Document des Prisonniers dans lequel toutes les factions palestiniennes, y compris le Hamas, s’accordait sur un programme politique recherchant une solution à deux états, suivi de la tentative de détruire par la force le gouvernement démocratiquement élu du Hamas, et encore à ce jour.

    En Septembre et Octobre 2006 Bachar el Assad a fait des ouvertures répétées pour la paix avec Israël en déclarant publiquement : «Je suis prêt pour une paix immédiate avec Israël grâce à quoi nous voulons vivre en paix». Le jour de la première déclaration d’Assad à cet égard, le premier ministre Olmert déclara «Nous ne quitterons jamais les Hauteurs du Golan» accusa la Syrie «d’héberger des terroristes» et avec le ministre des affaires étrangères Tzipi Livni il annonça que «les conditions ne sont pas murs pour la paix avec la Syrie».

    A tout cela nous pouvons ajouter les guerres inutiles, des conflits plus limités et les sanglantes attaques qui ont principalement servi à encourager la position d’Israël ou indirectement, à encourager Israël, dans ses tentatives pour étendre son contrôle sur toute la terre à l’ouest de la Jordanie : les tueries systématiques entre 1948-1956 contre 3000 à 5000 «infiltrateurs», réfugiés palestiniens, principalement sans armes qui cherchaient surtout à retrouver leurs maisons, à labourer leurs champs ou à reprendre leur propriété perdue ; la guerre de 1956 avec l’Egypte, entreprise en partie pour empêcher la réémergence sur l’agenda international du «Problème Palestinien», et pour renforcer Israël, militairement, territorialement et diplomatiquement, les opérations militaires contre les civils palestiniens commençant avec les tristement célèbres tueries de Sharafat, Beit Jala et plus notoirement encore Qibia, conduites par l’unité 101 de Sharon. Ces opérations continuent dans les Territoires Occupés et le Liban jusqu’à ce jour, principalement dans le but de «punir collectivement» et de «pacifier». D’autres opérations incluent la campagne, vieille de dizaines d’années, de liquidation systématique de tout réel leader palestinien, les trois guerres du Liban (Opération Litani en 1978 ; opération Paix sur la Galilée en 1982 et la guerre de 2006).

    Persistant, derrière tous ces actes militaires, que ce soit les guerres importantes ou les «assassinats ciblés», est le refus Israélien constant et résolu (en fait un retour grandissant aux jours de l’avant sionisme des années 1880) de dialoguer directement et sérieusement avec les Palestiniens. La stratégie d’Israël jusqu’à aujourd’hui est de les contourner et de les encercler, en nouant des accords avec les gouvernements qui les isolent et, sans succès jusqu’à présent, neutralise les Palestiniens en tant que partenaires. Ce fut encore plus net lors des conversations de paix de Madrid où il n’a autorisé la participation palestinienne qu’en tant que faisant partie de la délégation jordanienne. Et cela inclut aussi le «processus de paix» d’Oslo. Tandis qu’Israël a réclamé une lettre d’Arafat reconnaissant explicitement Israël comme «constructeur légitime» du Proche Orient. et plus tard a demandé une déclaration particulière reconnaissant Israël en tant qu’état Juif (il avait déjà obtenu les deux) aucun gouvernement israélien n’a jamais reconnu les droits collectifs du peuple palestinien à l’auto détermination. Rabin était sans ambiguïté à ce propos : si Israël reconnaît les droits des Palestiniens à l’auto détermination, cela voulait dire qu’un état palestinien devait par définition émerger - et Israël ne voulait pas promettre cela (Savir ; 1998 : 47). Aussi, excepté la vague déclaration sur le fait de ne pas vouloir dominer un autre peuple et «notre main est tendue pour la paix». Israël n’a jamais permis un cadre pour de véritables négociations. Les Palestiniens doivent être pris en compte, on doit leur demander de réagir à l’une ou l’autre de nos quatre propositions, mais ils ne sont certainement pas des partenaires égaux dans leur revendication à un pays rivalisant avec le nôtre.

    La féroce réponse d’Israël à l’éruption de la seconde intifada, quand il a tiré plus d’un million de balles y compris des missiles sur les centres civils de Cisjordanie et de Gaza en dépit de l’absence complète de tir de la part du côté palestinien au cours des cinq premiers jours de l’Intifada, ne peut s’expliquer que pour les punir d’avoir rejeté ce que Barak a essayé de leur imposer à Camp David, les détrompant sur l’idée qu’ils étaient égaux pour décider du futur de «notre» pays. Nous les battrons avait fréquemment l’habitude de dire Sharon, «jusqu’à ce qu’ils comprennent le message». Et qu’est-ce que ce «message ?»/ Il est que ceci est notre pays et que seulement nous, juifs israéliens avons la prérogative de décider si et comment nous voulons le diviser."

    Jeff Halper
    Lundi 27 Novembre 2006
    Traduit par Carole SANDREL pour EuroPalestine

    28 novembre 2006

    La colonisation : un État mafieux

    Shalom Arshav a publié un rapport qui montre pour la première fois, chiffres à l’appui, que 40% au moins des terres sur lesquelles sont bâties les colonies, même les plus anciennes, appartiennent à des personnes palestiniennes privées. En attendant de traduire ce rapport, voici la tribune publiée ce jour dans Ha’aretz par Dror Etkes, responsable de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav et auteur de ce rapport.

    Les chiffres qu’a publiés hier l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) à propos des terres privées sur lesquelles sont bâties les colonies, montrent une image effrayante du comportement de l’Etat d’Israël dans les territoires. Environ 40% des terres occupées par les colonies sont des terres qui appartiennent à des personnes privées palestiniennes, chiffres de l’Administration civile. Pour le dire plus simplement : pendant des dizaines d’années, Israël a étendu et renforcé l’entreprise de colonisation en dépossédant des propriétaires palestiniens de leurs terres, propriété que même l’Etat d’Israël ne conteste pas. A rapprocher de l’argument, souvent invoqué par les colons ou par les représentants de l’Etat, selon lequel « les colonies sont établies sur des terres d’Etat. » [1]

    Quelles ont été les méthodes utilisées ? De 1967 à 1979, l’administration militaire israélienne (connue sous le nom d’Administration civile) en Cisjordanie a fait un usage intensif de la procédure d’ »acquisition de terres pour raisons de sécurité » pour s’emparer de milliers d’hectares de terres palestiniennes privées. En pratique, ces terres ont servi à l’extension des colonies.

    Bien que « l’acquisition de terres pour raisons de sécurité » dans une zone occupée soit permise par le droit international, elle est également limitée dans le temps. La Haute cour de Justice a ainsi rejeté les recours déposés par les propriétaires contre ces acquisitions, en se fondant sur l’argument que les colonies avaient bien une valeur ajoutée en termes de sécurité, étant situées au coeur de zones dont la population est hostile. Ce qui signifie qu’au départ, ces colonies destinées à durer ont été établies sur des terres dont l’acquisition devait être temporaire. Or, à ce jour, des dizaines de colonies doivent leur existence juridique à un rituel absurde : le Commandement central signait une extension du décret d’acquisition des terres sur lesquelles elles sont bâties, tout en déclarant qu’il était convaincu que la terre en question nécessaire « nécessaire à la sécurité ».

    Ironie de l’histoire : cette méthode s’est heurtée à un problème à cause du refus des colons de continuer à coopérer avec cette mascarade, au coeur de toutes ces déclarations fournies par l’armée à la Haute cour de Justice. Dans une réponse donnée à la Haute cour par les colons en 1979, alors qu’elle examinait les acquisitions de terres pour la colonie d’Elon Moreh, ce furent les colons eux-mêmes qui refusèrent de reconnaître la nature provisoire de la colonie qu’ils allaient créer, en disant qu’elle n’était pas créée pour des raisons temporaires de sécurité, mais pour répondre à « un ordre divin suprême et moral ». La Haute cour n’eut plus d’autre choix que d’annuler ses décisions précédentes et d’ordonner à l’Etat de s’abstenir d’acquérir des terres destinées à accueillir des colonies. Elon Moreh a dû déménager sur un autre site, mais toutes les colonies qui avaient été créées de cette manière demeurent en place jusqu’à ce jour.

    Suite au cas Elon Moreh, la construction de colonies dans les territoires, qui n’a fait que s’accélérer durant cette période, a opté pour deux techniques parallèles. La première, pseudo-légale, où le gouvernement a déclaré terres d’Etat d’immenses portions de Cisjordanie. De cette manière, sans même que les gouvernements israéliens aient eu à rendre quelque compte que ce soit, ni pour la façon contestable dont ces terres ont été déclarées terres d’Etat, ni pour le fait même que ces terres n’ont été allouées qu’à des Juifs (bien qu’ils fussent et restent une petite minorité au sein de la population de Cisjordanie), l’entreprise de colonisation a pu se renforcer.

    La deuxième technique utilisée par Israël constitue une étape plus avancée encore du mépris qu’a le gouvernement pour l’état de droit, dont l’application, comme on le pense souvent, est censée être de son ressort : les gouvernements successifs d’Israël ont continué à initier, ou « seulement » à permettre la construction de colonies, de quartiers ou d’avant-postes sur des terres privées sans même prendre la peine de publier des décrets d’acquisition, puisque de toute manière, il était probable que la Haute cour de Justice les annulerait.

    Comme cela a été mentionné plus haut, tout cela s’est produit alors que l’Administration civile avait une pleine connaissance de ces faits. Celle-ci n’est d’ailleurs pas restée les bras croisés, et à pris soin de documenter ce phénomène et ses dimensions, tout en soulignant avec insolence son droit de les cacher au grand public. Voici ce qu’a écrit à la cour le bureau du procureur du district de Jérusalem pour motiver son refus de communiquer ses informations : « le sujet de cette procédure est très sensible. Il implique, entre autres, des considérations liées à la sécurité de l’Etat d’Israël et à ses relations internationales. »

    S’il est difficile de comprendre de quelles « considérations pour la sécurité » il est question, il est facile en revanche de deviner en quoi les relations internationales d’Israël auraient pu être affectées par ces informations. Malheureusement, il faut en conclure qu’en ce qui concerne sa politique de gestion de la terre, l’Etat d’Israël agit en Cisjordanie comme un Etat mafieux.

    Publié par Samizdat.
    Lire aussi : Les terres volées aux Palestiniens - Rapport de Shalom Arshav sur la construction des colonies sur des terres privées palestiniennes
    Le rapport explosif de Shalom Arshav qui décrit pour la première fois, et avec une précision clinique, la manière dont des terres appartenant à des propriétaires palestiniens ont été détournées au profit des colonies de Cisjordanie, et l’ampleur du phénomène. Samizdat.


    [1] Le rapport de Shalom Arshav détaille avec précision la notion de « terre d’Etat », héritée du droit ottoman, ainsi que le statut juridique de « terre privée ». En attendant sa traduction en français, on peut consulter ce rapport en anglais, Peacenow.

    22 novembre 2006

    Le triomphe de la démagogie

    Le 16 novembre, Marie-Ségolène Royal fut plébiscité par un peu plus de 100 000 adhérents. Le 20 novembre, Andrés Manuel López Obrador s'est fait proclamer "président légitime" par plus de 80 000 partisans. En France comme au Mexique, la démagogie politico-médiatique triomphe.

    AMLO a choisi la date symbolique de l'anniversaire de la Révolution mexicaine (1910-1917) pour se faire acclamer et sacrer sur la place de la Constitution et pour présenter son gouvernement fantôme. Cette cérémonie montre la réalité du personnage.


    Ses appels au peuple sonnent creux [1]. Ainsi, pour exercer ses fonctions auto-proclamées, il s'octroie généreusement un salaire de 50 000 pesos par mois (un peu plus de 1600 pesos par jour) [2]. Ce chiffre doit être rapproché du salaire minimum (entre 45,81 et 48,67 pesos par jour) et du fait que 10 millions 780 000 travailleurs (23,9% de la population active) vivent avec un revenu inférieur au salaire minimum [3]. On mesure l'immense décalage entre les paroles et les actes de celui qui veut "faire le bonheur du peuple".

    Pas une voix ne s'élève à gauche pour dénoncer cette escroquerie. La Jornada est devenue le porte-parole du caudillo. Les intellectuels, qui le soutiennent, reproduisent la fidélité servile traditionnelle [4]. Tous participent activement à la mascarade de la Convention Nationale Démocratique, qui exclut tout débat et toute participation démocratique. Le soutien inconditionnel à AMLO et l'approbation formelle, à main levée, de décisions prises par quelques-uns est la condition nécessaire et suffisante.

    Dans un pays où les travailleurs ne possèdent pas d'organisations autonomes, la CND, qui regroupe "les gens" sur la base des circonscriptions électorales (municipalités et états), est totalement contrôlée par les maires et gouverneurs du PRD. Cette formule reprend celle utilisée par le PRI pendant 71 ans. AMLO fonde son programme de "défense de l'intérêt national" sur celui de Cárdenas-père sans Cárdenas-fils qu'il a fait conspuer par la foule le 16 septembre.

    Les grands perdants de cette politique restent les millions de travailleurs, aussi bien ceux qui subissent la sur-exploitation, la précarisation et le chômage des secteurs liés à la concurrence internationale, mais aussi ceux de l'industrie, du commerce et de l'agriculture qui sont exposés à la rapacité de la bourgeoisie nationale.
    En France comme au Mexique, MSR et AMLO triomphent aujourd'hui en démagogues-charmeurs pour occulter la question sociale. Demain, le réveil risque d'être douloureux.

    Serge LEFORT
    22 novembre 2006

    [1] Vidéo du discours (en espagnol) :
    • Discurso de AMLO, 1a.parte, Otratele, La Jordana.
    • Discurso de AMLO, 2sa.parte, Otratele, La Jordana.
    • Discurso de AMLO, 3ra.parte, Otratele, La Jordana.
    [2] Confirma AMLO que tendrá sueldo de 50 mil pesos, El Universal.
    [3] Sources (en espagnol) :
    • Salarios Mínimos 2006, Diario Oficial de la Federación.
    • Enrique Dussel Peters, Condiciones y evolución del empleo y los salarios en México, Iniciativa Salarios Dignos Norte y Sur.
    • El salario en México, una trágica historia, Salarios.
    • Las estadísticas oficiales indican que alrededor de 10 millones 78 mil trabajadores no reciben salario o perciben ingresos menores al mínimo, los cuales representan 23.9 por ciento de la población ocupada total. Salarios
    • Integración económica, empleo y salarios en México, Biblioteca virtual (PDF).
    [4] Institut d'Études Mexicaines, Champs de pouvoir et de savoir au Mexique, CNRS, 1982.
    LEMPIÉRIÈRE Annick, Intellectuels, État et société au Mexique - Les clercs de la nation (1910-1968), L'Harmattan, 1992.

    20 novembre 2006

    Les mots (maux) de la campagne (3)

    Le mot populiste a envahi le discours des médias dominants et des politiques. Il est toujours utilisé par les uns pour susciter la peur et par les autres pour discréditer un adversaire. Ce concept est-il bien assuré ? Une exploration de la littérature et de ses usages permet de répondre par la négative.

    Une catégorie non-fondée

    Alors que le mot populiste apparaît pour la première en Russie en 1870, il ne fait fortune que dans les années 1980. Aujourd'hui, il est utilisé pour désigner une pléiade de partis : le FTÖ de Jörg Haiger en Autriche, la Ligue du Nord d'Umberto Bossi en Italie, la liste de Pim Fortuyn aux Pays-Bas, le SVP de Christoph Blücher en Suisse, le VlaamsBlock en Belgique, le Dansk Folkeparti au Danemarck, etc. Les plus polémistes l'applique non seulement aux organisations d'extrême droite, mais à celles d'extrême gauche voire à tous les mouvements contestataires.

    Margaret Canovan reconnaissait en 1981 que populisme est l'un des mots "les plus confus du vocabulaire de la science politique" [1].
    Guy Hermet admet en 2001 que "Ceux qui étudient le populisme s'accordent sur un seul point. Tous reconnaissent la difficulté, voire l'impossibilité de lui trouver une définition..." [2].
    Seul un idéologue, comme Pierre-André Taguieff, ose écrire une définition en 2004 : "Le populisme peut être sommairement défini par l'acte de prendre publiquement le parti du peuple contre les élites, ou par l'appel au peuple sans la médiation des instances représentatives." [3].

    Un usage polémique

    Alain Duhamel fournit un exemple récent de l'usage de ce discours tautologique. Il reproche aux politiques de galvauder le terme populiste et céder à la facilité de cette injure alors que "le populisme gagne chaque année du terrain et témoigne ainsi que la crise de la démocratie représentative s'approfondit".
    Faute d'une définition, il utilise le langage hygiéniste, courant dans le milieu journalistique. Pour lui, le populisme serait une terrible maladie contagieuse qui "progresse spectaculairement" et "envahit de plus en plus l'Europe de l'Est, Biélorussie comme Ukraine, Slovaquie comme Hongrie ou Roumanie", mais s'arrête miraculeusement "à nos frontières".
    En effet, Alain Duhamel veille : "Pour ceux qui seraient tentés de relativiser les dangers du populisme, on peut rappeler que les Français sont aujourd'hui, au sein de l'Union européenne, le peuple le plus pessimiste sur son destin, sur son identité et sur son avenir. En ce sens, la montée du populisme ne constitue ni une surprise ni certes une maladie vénielle." [4].

    Injure à la mode

    Une recension de l'usage du terme populisme dans l'actualité récente est révélatrice d'un courant dominant. Il est utilisé par les journalistes dans le cadre d'un discours de dénonciation d'un danger imaginaire et par les politiques sur le mode de l'injure.
    On enregistre, dans les pages actualités de Google, 386 occurrences pour le terme "populisme" entre le 19/10/2006 et le 18/11/2006 ; 235 occurrences pour les termes "populisme Ségolène" entre le 20/10/2006 et le 18/11/2006. Ce qui marque une affinité particulière de Marie-Ségolène Royal à utiliser ce qualificatif contre Sarkozy [5].

    À cette occasion, on remarque encore l'usage du copier-coller réalisé par les journalistes à partir d'une dépêche d'agence. Certains citent explicitement la source, d'autres implicitement (PARIS) et d'autres la passent sous silence. Tous reprennent mot pour mot le titre et le contenu de la dépêche [6].

    Cette catégorie politique, au contenu incertain et arbitraire, se situe dans le registre de l'imprécation pour stigmatiser ceux qui perturbent le jeu politique convenu. Elle sert de contre-feu à tous ceux qui défendent l'ordre établi [7].

    Serge LEFORT
    20 novembre 2006

    [1] CANOVAN Margaret, Populism, Harcourt-Brace Jovanovitch, 1981.
    [2] HERMET Guy, Les populismes dans le monde - Une histoire sociologique XIXe-XXe siècle, Fayard, 2001.
    Il ajoute cependant : "... capable de couvrir ce que peuvent avoir de commun ses manifestations si diverses dans le temps et dans l'espace." L'auteur consacre ainsi 450 pages à décrire les manifestations d'un phénomène qu'il ne définit jamais, sinon par ses manifestations.
    [3] TAGUIEFF Pierre-André (dossier réalisé par), Le retour du populisme - Un défi pour les démocraties européennes, Encyclopaedia Universalis, 2004.
    Cette pseudo-définition, non partagée par les auteurs de l'ouvrage, lui permet de désigner ses ennemis au gré de ses humeurs.
    [4] Alain DUHAMEL, La contagion du populisme, Libération, 08/11/2006.
    Très présent dans tous les médias dominants (presse, radio et télévision), il utilise le ton de l'autorité ponctué par des marqueurs sémantiques de la fausse évidence : "c'est un fait peu contestable", "cela va de soi", "bien entendu". Sa définition par défaut du populisme est savoureuse :
    Car, bien entendu, la France échappe de moins en moins à l'emprise du populisme, avec son cortège de dénigrement systématique des élites, coupables de tous les échecs, de toutes les régressions mais jamais gratifiées des progrès ou des succès, avec aussi sa violence verbale, son autoritarisme diffus, sa démagogie affleurante, ses simplifications délibérées. Elle témoigne, cela va de soi, de ce qui est vécu comme autant de menaces, de pressions, de régressions, de dangers, de doutes, même si la réalité est infiniment plus complexe : la mondialisation, le capitalisme financier, les délocalisations, ces décisions mystérieuses et funestes prises de l'extérieur, la dépossession du pouvoir national, la persistance du chômage, l'augmentation de la précarité, la vulnérabilité face aux violences physiques, sociales, culturelles, l'essaim terrible des insécurités, l'impasse redoutée de l'intégration, de l'ascension sociale, de l'espérance. Depuis une génération, l'humus français porte en lui les germes du populisme. La pratique institutionnelle de la Ve République en dramatise encore les risques avec les blocages éternels du dialogue social, l'absence aberrante, archaïque, destructrice, de tout contrôle de l'action présidentielle et gouvernementale par le Parlement. Donc avec la confusion des pouvoirs soudés derrière un exécutif omnipotent donc fragile. Avec enfin l'absence de transparence et le refus d'une communication démocratique sur les décisions et les initiatives de ceux qui gouvernent.
    [5] Recherche "populisme", Google.
    Recherche "populisme Ségolène", Google.
    [6] Journalisme copier-coller :
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie", Reuters.fr - 22 oct 2006PARIS (Reuters) - Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un...
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie", Boursier.com - 22 oct 2006PARIS (Reuters) - Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un...
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie, L'Express - 22 oct 2006Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un ministre en exercice...
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie", Capital.fr - 22 oct 2006PARIS (Reuters) - Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un...
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie", La Tribune.fr - 22 oct 2006PARIS (Reuters) - Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un...
    • Royal accuse Sarkozy de "populisme" et de "déni de démocratie", Challenges - 22 oct 2006PARIS (Reuters) - Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité et estime que les promesses électorales d'un...
    • Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "déni de démocratie", Romandie.com - 22 oct 2006PARIS - Ségolène Royal a accusé Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité. La candidate socialiste à la...
    • Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "déni de démocratie", Bluewin - 22 oct 2006Ségolène Royal a accusé Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité. La candidate socialiste à la présidentielle...
    • Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "déni de démocratie", TSR.ch - 22 oct 2006PARIS - Ségolène Royal a accusé Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité. La candidate socialiste à la...
    • Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "déni de démocratie", La Liberté - 22 oct 2006PARIS - Ségolène Royal a accusé Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité. La candidate socialiste à la...
    • Ségolène Royal accuse Nicolas Sarkozy de "déni de démocratie", Armées.com - 22 oct 2006Ségolène Royal a accusé Nicolas Sarkozy de "populisme" sur la question de la sécurité. La candidate socialiste à la présidentielle...
    [7] Lire :
    • COLLOVALD Annie, Le «Populisme du FN» un dangereux contresens, Éditions du Croquant, 2004.
    • COLLOVALD Annie, «Populisme : la cause perdue du peuple» in MATONTI Frédérique (sous la direction de), La démobilisation politique, La Dispute, 2005.