Le 16 novembre, Marie-Ségolène Royal fut plébiscité par un peu plus de 100 000 adhérents. Le 20 novembre, Andrés Manuel López Obrador s'est fait proclamer "président légitime" par plus de 80 000 partisans. En France comme au Mexique, la démagogie politico-médiatique triomphe.
AMLO a choisi la date symbolique de l'anniversaire de la Révolution mexicaine (1910-1917) pour se faire acclamer et sacrer sur la place de la Constitution et pour présenter son gouvernement fantôme. Cette cérémonie montre la réalité du personnage.
Ses appels au peuple sonnent creux [1]. Ainsi, pour exercer ses fonctions auto-proclamées, il s'octroie généreusement un salaire de 50 000 pesos par mois (un peu plus de 1600 pesos par jour) [2]. Ce chiffre doit être rapproché du salaire minimum (entre 45,81 et 48,67 pesos par jour) et du fait que 10 millions 780 000 travailleurs (23,9% de la population active) vivent avec un revenu inférieur au salaire minimum [3]. On mesure l'immense décalage entre les paroles et les actes de celui qui veut "faire le bonheur du peuple".
Pas une voix ne s'élève à gauche pour dénoncer cette escroquerie. La Jornada est devenue le porte-parole du caudillo. Les intellectuels, qui le soutiennent, reproduisent la fidélité servile traditionnelle [4]. Tous participent activement à la mascarade de la Convention Nationale Démocratique, qui exclut tout débat et toute participation démocratique. Le soutien inconditionnel à AMLO et l'approbation formelle, à main levée, de décisions prises par quelques-uns est la condition nécessaire et suffisante.
Dans un pays où les travailleurs ne possèdent pas d'organisations autonomes, la CND, qui regroupe "les gens" sur la base des circonscriptions électorales (municipalités et états), est totalement contrôlée par les maires et gouverneurs du PRD. Cette formule reprend celle utilisée par le PRI pendant 71 ans. AMLO fonde son programme de "défense de l'intérêt national" sur celui de Cárdenas-père sans Cárdenas-fils qu'il a fait conspuer par la foule le 16 septembre.
Les grands perdants de cette politique restent les millions de travailleurs, aussi bien ceux qui subissent la sur-exploitation, la précarisation et le chômage des secteurs liés à la concurrence internationale, mais aussi ceux de l'industrie, du commerce et de l'agriculture qui sont exposés à la rapacité de la bourgeoisie nationale.
En France comme au Mexique, MSR et AMLO triomphent aujourd'hui en démagogues-charmeurs pour occulter la question sociale. Demain, le réveil risque d'être douloureux.
Serge LEFORT
22 novembre 2006
[1] Vidéo du discours (en espagnol) :
• Discurso de AMLO, 1a.parte, Otratele, La Jordana.
• Discurso de AMLO, 2sa.parte, Otratele, La Jordana.
• Discurso de AMLO, 3ra.parte, Otratele, La Jordana.
[2] Confirma AMLO que tendrá sueldo de 50 mil pesos, El Universal.
[3] Sources (en espagnol) :
• Salarios Mínimos 2006, Diario Oficial de la Federación.
• Enrique Dussel Peters, Condiciones y evolución del empleo y los salarios en México, Iniciativa Salarios Dignos Norte y Sur.
• El salario en México, una trágica historia, Salarios.
• Las estadísticas oficiales indican que alrededor de 10 millones 78 mil trabajadores no reciben salario o perciben ingresos menores al mínimo, los cuales representan 23.9 por ciento de la población ocupada total. Salarios
• Integración económica, empleo y salarios en México, Biblioteca virtual (PDF).
[4] Institut d'Études Mexicaines, Champs de pouvoir et de savoir au Mexique, CNRS, 1982.
LEMPIÉRIÈRE Annick, Intellectuels, État et société au Mexique - Les clercs de la nation (1910-1968), L'Harmattan, 1992.
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