106 839 adhérents du parti socialiste, soit 60,62 % des suffrages exprimés, ont voté en faveur de Marie-Ségolène Royal. Que signifie ce plébiscite ?
Décomposition du PS
Le parti socialiste n'a pas survécu à la défaite historique de Lionel Jospin le 21 avril 2002. Pour éviter de faire le bilan de cet échec, il a préféré appeler à voter au deuxième tour pour Jacques Chirac, pourtant qualifié d'escroc. En mars 2005, il a renouvelé la même alliance avec la droite en appelant à voter pour le référendum de la Constitution européenne. Les électeurs ne l'ont pas suivi dans cet ultime renoncement.
Le parti socialiste n'a pas voulu voir que ce nouvel échec traduisait non pas un rejet de l'Europe, mais d'une Europe ancrée dans le dogme du néo-libéralisme. Il est vrai que, une fois de plus, les opposants de gauche à cette politique antisociale n'ont pas su capitaliser la victoire du non, Empêtrés dans d'interminables querelles de chapelles, ils ont donné prise à l'argument assassin de l'hétérogénéité des non. Les médias dominants ont massivement relayé ce message.
Une candidature médiatique
Les mêmes ont volé au secours d'un parti socialiste en pleine décomposition en soutenant la candidature de Marie-Ségolène Royal [1]. Le rouleau compresseur de l'industrie de la presse, des radios, des télévisions et des instituts de sondages ont quotidiennement accrédité la thèse d'un duel Sarkozy-Royal au deuxième tour de l'élection qui n'aura lieu qu'en 2007.
Cette stratégie allait dans le sens du coup d'État opéré par le couple Royal au sein du PS. Monsieur gardait la main sur l'appareil et Madame se présentait avec comme seul programme "Je suis une femme". La pression médiatique et l'absence d'une offre politique crédible dans les rangs de la gauche du PS a fait que Marie-Ségolène Royal soit sacrée le 16 novembre.
Les non-dits
Pour la direction du parti socialiste, la candidature de Marie-Ségolène Royal sur son seul nom avait l'avantage de taire les échecs passés et d'évacuer tout débat sur son alignement au néolibéralisme et son absence de programme.
De plus en plus coupé des réalités sociales du pays, le parti socialiste préférait surfer sur la vague des sondages en faveur de Marie-Ségolène Royal et sur les commentaires dithyrambiques des médias dominants en sa faveur.
Une victoire logique
Mais il restait encore trop de socialistes au PS. Pendant que Madame mobilisait les foules à coups de slogans démagogiques, Monsieur ouvrait les portes à des adhérents recrutés sur Internet à 20€. Il a retenu les leçons de Joseph Staline, qui avait noyé les vieux militants bolcheviques sous le flot de nouveaux adhérents dévoués à sa personne.
Cette logique implacable, liée à l'opportune diffusion d'une vidéo qui transformait la sainte en victime de la malveillance, forcément machiste, d'un concurrent, lui a assuré la victoire. Ce plébiscite renforce sa détermination à s'abstraire de tout programme pour ne promouvoir que la version féminine du culte de la personnalité.
La victoire de Marie-Ségolène Royal n'est que le symptôme du pourrissement d'un parti, dévoué aux intérêts du capitalisme néo-libéral. Elle signe une fuite en avant vers les pires dérives démagogiques de celle qui clame : "C'est le peuple qui m'a faite".
Serge LEFORT
20 novembre 2006
[1] Un exemple parmi beaucoup d'autres du soutien des médias dominants en faveur de Marie-Ségolène Royal :
En moins d'un an, la présidente de la région Poitou-Charentes a renvoyé Lionel Jospin à ses chères études, le forçant à faire ce qu'il avait dit qu'il ferait le soir du 21 avril 2002 : se retirer de la vie politique ; elle a obligé Dominique Strauss-Kahn à assumer franchement son étiquette sociale-démocrate, poussé Laurent Fabius à aller jusqu'au bout de sa ligne « à gauche toute » dans laquelle il s'est totalement fourvoyé. Elle a parlé sans tabou des 35 heures, de la sécurité et de la carte scolaire, introduit dans la vulgate socialiste des termes iconoclastes comme « l'ordre juste », et imposé au Parti socialiste d'entreprendre la mue idéologique qu'il ne parvenait pas à mener depuis son échec historique de 2002.
[...]
Sa légitimité s'est d'abord construite dans les sondages, puis chez les sympathisants du PS avant d'être massivement confirmée par les militants, qui se sont en quelque sorte alignés sur la demande de l'opinion, avec la neutralité bienveillante du premier secrétaire, François Hollande, qui n'est autre que son compagnon. En un an, le parti a ainsi accouché au forceps d'une nouvelle doctrine, le « ségolisme », qu'on peut aussi très bien appeler le « royalisme ».
Françoise Fressoz, Royal contre Sarkozy, c'est Jeanne d'Arc contre Bonaparte !, Les Échos, 20/11/2006.
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