7 juin 2009

Critique de la raison statistique

On parle sans arrêt des chiffres du chômage, des taux de croissance, des statistiques de la délinquance, de l’indice des prix, de l’évaluation des profs ou des ministres, des indicateurs de performance et même de la mesure du bien être… Les statisticiens, qui produisent ces chiffres, subissent une pression d’autant plus grande que la demande augmente, et qu’elle s’accompagne paradoxalement d’une méfiance à l’égard des résultats obtenus. Les chiffres du chômage, ceux de la délinquance sont régulièrement contestés. Contestés mais attendus à chaque fois avec impatience, tant les politiques publiques sont aujourd’hui gouvernées par ces instruments quantitatifs. Ajoutez à ce paradoxe le fait que les mesures, les méthodes de calcul, et à vrai dire peut-être la société elle-même, sont de plus en plus complexes, et que la maîtrise de l’information statistique constitue de plus en plus un enjeu pour le pouvoir en place, et vous comprendrez pourquoi les débats sur la pertinence, la fiabilité et la place des chiffres dans le gouvernement de nos sociétés sont aujourd’hui devenus un sujet aussi sensible.

L'économie en questions, France Culture.

Alain Desrosières
Historien de la statistique. Membre de l'Insee de 1965 à 2005. Il a publié La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique (La Découverte/Poche, 2000), Pour une sociologie historique de la quantification (Mines ParisTech, 2008), et Gouverner par les nombres (Mines ParisTech, 2008).

Pierre Concialdi
Economiste, a travaillé pendant plus de dix ans au CERC (Centre d’étude des revenus et des coûts) jusqu’à sa dissolution en 1994. Depuis 1995, il est chercheur dans un institut proche des syndicats.
Il a collaboré à l'ouvrage Le Grand truquage - Comment le gouvernement manipule les statistiques, publié sous le pseudonyme Lorraine Data aux éditions La Découverte.
Maîtriser l’information statistique a toujours constitué un enjeu pour les pouvoirs en place. Mais, depuis quelques années, la manipulation des chiffres s’est amplifiée. L’objectif du président de la République est désormais de contrôler au plus près l’information économique et sociale afin de justifier sa politique.

Pour le collectif d’auteurs à l’origine de cet ouvrage, la coupe est pleine : travaillant au cœur des organismes chargés de produire les données statistiques servant notamment à évaluer les effets de l’action gouvernementale dans divers domaines – pouvoir d’achat, emploi, chômage, heures supplémentaires, lutte contre la pauvreté, école, immigration, délinquance… –, ils n’admettent pas ces manipulations des chiffres. Multipliant les exemples précis, ils mettent à jour les procédés utilisés par le gouvernement : publications sur des thèmes « sensibles » annulées ou reportées, sélection de chiffres censés flatter l’action présidentielle, modification des indicateurs rendant compte de l’action gouvernementale, dénigrement de la qualité des données de ses propres services lorsqu’elles ne lui sont pas favorables, voire démantèlement plus ou moins discret des organismes chargés de la statistique publique.

La volonté collective des auteurs est de donner à tous les citoyens les clés leur permettant une lecture critique des informations concernant la nature et les résultats de la politique gouvernementale, afin de restaurer les conditions d’un réel débat démocratique.

Jean Gadrey
Professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1, membre de la Commission Stiglitz.
Ses domaines de recherche sont la Socio-économie des services et Les nouveaux indicateurs de richesse, titres de deux livres récents publiés à La Découverte, coll. Repères. S'y ajoute le thème des inégalités, objet d'un essai En finir avec les inégalités (Mango, 2006). Il est membre du CNIS (Conseil National de l'Information Statistique).

Lire aussi :
• Pour en finir avec les sondages (1), Monde en Question.
• Pour en finir avec les sondages (2), Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Statistiques & Sondages, Monde en Question.

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