Depuis le 1er janvier 2010, l'oeuvre de Freud est tombée dans le domaine public, provoquant une avalanche de rééditions qui n'ajoutent rien à la compréhension de son œuvre car elles ne s'accompagnent pas de données nouvelles. On assiste à l'obscène de la production éditoriale, «machine à fabriquer des saucisses» (Erich Von Stroheim à propos des producteurs de Hollywood), cautionnée par les psychanalystes pour maintenir leur propre business.
La critique de la psychanalyse fait souvent l'impasse sur le continent noir du modèle théorique de la sexualité humaine.
En écrivant que «l'homme a un instinct sadique, et la femme un instinct masochiste», Freud a alimenté les fantasmes de nombreux féministes alors que, de son propre aveu, «Après trente ans passés à étudier la psychologie féminine, je n'ai toujours pas trouvé de réponse à la grande question : Que veulent-elles au juste ?» [1].
La critique de la psychanalyse fait aussi souvent l'impasse sur la structuration sectaire de la Société psychanalytique que Freud créa à Vienne et qu'il contrôla d'une main de fer pendant trente ans [2].
Dans une lettre inédite de 1912, publiée par Marinelli et Mayer, le psychiatre suisse Alphonse Maeder écrit à Freud : "Je remarque depuis quelque temps que nous en venons progressivement à nous constituer en véritable secte."La première impasse n'a été résolu ni par les disciples de Freud ni par les féministes tous genres confondus. Cette impasse est d'ordre philosophique et, à ce titre, liée aux héritages grec et judéo-chrétien de la civilisation occidentale que la psychanalyse n'a jamais remis en cause.
L'Express
Il est symptomatique que les chinois se passent du recours à la psychanalyse que certains croient universelle, concept qui va si peu de soi qu'il est prescriptif. Cet écart de la pensée est aussi un écart du langage. Pour dire chose, le chinois dit est-ouest. Quand nous parlons de l'être, les chinois parlent d'une relation des opposés [3].
La deuxième impasse fut perpétuée par les disciples de Freud, dont Lacan est l'exemple caricatural mais non unique. Il est curieux que la psychanalyse soit totalement passée à côté des relations de domination au sein des organisations.
Robert Michels, sociologue allemand, a pourtant publié en 1911 au moment où Freud structurait la psychanalyse autour de sa personne, un ouvrage qui décortique le processus de captation du pouvoir par une minorité, voire par un chef inamovible [4].
Les fidèles de Freud ne reculent devant rien, même pas au recours de comparaisons abjectes, pour discréditer les critiques de leur Maître :
Il est des mots qu'il est interdit de prononcer. Il est des actes qui n'auraient jamais dû se produire. Qu'un jeune nazi, emporté par sa fougue, ait pu dire un jour : «pour la noblesse de l'âme humaine, je jette au feu les écrits de Freud». Et bien, une telle vocifération suivie d'un tel geste scandaleux devrait nous guérir à jamais de la tentation de l'anti-freudisme primaire. [...] La destruction de l'esprit par la «novlangue» nazie n'est plus à l'ordre du jour, mais la négation de l'impact de Freud et du mouvement freudien sur la culture européenne demeure une tentation pour les esprits les plus avertis.Serge LEFORT
La Fabrique de l'humain - France Culture
Citoyen du Monde exilé au Mexique
Lire aussi :
• FREUD Sigmund, Wikipédia.
• BOURDIN Dominique, La psychanalyse de Freud à aujourd'hui - Histoire, concepts, pratiques, Bréal, 2007 [BooksGoogle].
• Critique de la psychanalyse, Wikipédia.
• BOUVERESSE-QUILLIOT Renée et QUILLIOT Roland, Les critiques de la psychanalyse, QSJ n°2620 PUF, 1991.
• MEYER Catherine Meyer (sous la direction de, Le Livre noir de la psychanalyse - Vivre, penser et aller mieux sans Freud, Les Arènes, 2005 [Wikipédia].
• ROUSTANG François, Feuilles oubliées, feuilles retrouvées, Payot, 2009 [L'Express - Libération].
[1] Sélection bibliographique :
• 12/07/2001, ROSE Anne, La femme un continent noir ?, Hommes et Faits.
• 2008, GINÉSY Pierre, «Entendre ce qui est sans voix» - le continent noir de la psychanalyse, École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses.
[2] Sociétés psychanalytiques :
• 1908, Société psychanalytique de Vienne, Wikipédia.
• 1910, International Psychoanalytical Association, Wikipédia.
• 1926, Société psychanalytique de Paris, Wikipédia - Site.
[3] Lire :
• CORNAZ Laurent et MARCHAISSE Thierry (sous la direction de), L'indifférence à la psychanalyse - Sagesse du lettré chinois, désir du psychanalyste, PUF, 2004.
Dossier documentaire & Bibliographie François JULLIEN, Monde en Question.
[4] MICHELS Robert, Les partis politiques - Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, 1914 et 1971 - Université de Bruxelles, 2009 [Amazon - Bibliothèque de l'école des chartes - Multitudes].
Lire aussi :
• LEFORT Claude, Eléments d'une critique de la bureaucratie, Tel Gallimard, 1979.
• CASTORIADIS Cornelius, L'institution imaginaire de la société, Seuil, 1975 et 2006
Dossier documentaire & Bibliographie Socialisme ou Barbarie, Monde en Question.
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