Rue89 introduit l'article, intitulé "Israël défié par plusieurs flottilles en partance pour Gaza", ainsi :
Après l'assaut israélien contre la « flottille de la paix », plusieurs associations s'organisent pour envoyer leurs propres navires en direction de Gaza. L'Iran d'abord, avec l'annonce de l'envoi de trois navires et d'un avion d'aide humanitaire affrétés par le Croissant-Rouge, la Croix-Rouge musulmane.Or, écrire que le Croissant-Rouge est la Croix-Rouge musulmane relève de la propagande.
Rue89 [1]
Il ne vient à l'esprit de personne de dire que la Croix-Rouge est chrétienne comme beaucoup d'organisations humanitaires le furent à l'origine et alors que son fondateur, Henri Dunant, était engagé dans une église évangélique [2].
La Croix-Rouge est organisée sur la base de sociétés nationales et non religieuses, comme le prétend abusivement Rue89.
Historiquement, l'emblème de la Croix-Rouge reprend celui du drapeau suisse en 1864 et l'emblème du Croissant-Rouge celui du drapeau turc en 1876 - les deux en couleurs inversées [3].
Rue89 ne dit pas à ses lecteurs que l'Indonésie - le pays qui compte le plus grand nombre de musulmans dans le monde - appartient à Croix-Rouge et que Israël crée sa propre organisation en 1949 Bouclier de David rouge dont l'emblème est l'étoile de David - celui du drapeau israélien, mais en rouge sur fond blanc.
12/06/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
[1] L'article, intitulé "Israël défié par plusieurs flottilles en partance pour Gaza", est curieusement illustré par une photo légendé "Israéliens juifs orthodoxes regardent la mer Méditerrannée depuis le port d'Ashdod". Rue89 se garde bien de dire à ses lecteurs que les juifs orthodoxes sont des religieux intégristes qui, dans les partis d'extrême droite, luttent pour la poursuite de la colonisation de la Palestine.
[2] Henri Dunant fonda aussi une société coloniale et exploita une concession de terres en Algérie. Il prit d'ailleurs la nationalité française afin de faciliter l'accès aux concessions de la puissance coloniale française.
Note du 19/06/2010 :
L'œuvre de l'abbé Rodhain met en lumière une troisième clef de lecture plus large, appréhendant l'histoire de l'humanitaire sous l'angle du fait religieux. Cette histoire a en effet été largement façonnée en Occident par la pensée chrétienne, et ce doublement. D'abord, dans la solidarité nationale aux plus démunis ; à la suite d'actions largement initiées par les protestants des pays anglo-saxons, des œuvres catholiques comme la Caritas en Allemagne ou les conférences Saint-Vincent-de-Paul en France adoptent dès le XIXe siècle le discours humanitaire pour justifier et transformer leurs modes de lutte contre la pauvreté.
Aujourd'hui encore, la plupart des organisations humanitaires portent, explicitement ou plus discrètement, trace de leurs origines ou de leur proximité au religieux, ainsi Emmaüs dont l'article d'Axelle Brodiez analyse les générations successives de militants, montrant comment l'humanitaire dit « interne » constitue pour beaucoup, jusqu'aux années 1980, une concrétisation sociale de convictions confessionnelles.
Mais le fait religieux est également nodal dans l'humanitaire international de développement, avec la transformation de l'ancien modèle missionnaire. L'article de Guillaume Lachenal et Bertrand Taithe, recontextualisant le parcours du Dr Louis-Paul Aujoulat, insiste sur cette continuité profonde entre monde missionnaire et humanitaire médical, le travail du médecin catholique palliant aussi les limites de la pastorale missionnaire. Après-guerre, les orientations du Vatican se confirment, permettant la naissance de nouvelles institutions – ainsi Misereor en Allemagne ou en France le Comité Catholique Contre la Faim, devenu Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement.
Mais le poids du religieux doit aussi être recherché dans des organisations résolument laïques, ce que montre l'article de Johanna Siméant analysant les ONG comme des « entreprises de biens de salut » : l'humanitaire apparaît comme un moyen contemporain d'actualisation de dispositions religieuses ne reposant pas tant sur la foi que sur des pratiques vécues comme positives (don de soi, vie de groupe, entraide, ascétisme, confrontation à l'extrême, etc.) et ainsi réactivées.
Enfin, l'humanitaire peut aussi être lu comme une forme d'expression de la laïcité, où peuvent se côtoyer respectueusement foi religieuse et engagement politique d'un nouveau type.
Faire l'histoire de l'humanitaire, Le Mouvement Social n°227
[3] Lire : Emblèmes de la Croix-Rouge, Wikipédia.
Lire aussi :
• Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
• Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
• Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
• Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
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