MICHAELS Walter Benn, La diversité contre l'égalité, Raisons d'agir, 2009.
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Contre : Daniel Sabbagh, Mouvements-LMSI (présenté par Sylvie Tissot [1]) - Jérôme Vidal, Revue Internationale des Livres et des Idées.
À la télévision comme dans les entreprises, au Parti socialiste comme à l'Elysée, à Sciences Po comme à l'armée résonne un nouveau mot d'ordre : Vive la diversité ! Avec l'élection de Barack Obama, le bruissement s'est changé en clameur. Désormais, chacun devrait se mobiliser pour que les femmes et les "minorités visibles" occupent la place qui Leur revient au sein des élites. Mais une société dont les classes dirigeantes reflètent la diversité a-t-elle vraiment progressé sur le chemin de la justice sociale ? A cette question jamais posée, Walter Benn Michaels répond par la négative. La promotion incessante de la diversité et la célébration des "identités culturelles" permettent au mieux, selon lui, de diversifier la couleur de peau et le sexe des maîtres. Sans remettre en cause la domination qui traverse toutes les autres : celle des riches sur les pauvres. À l'aide d'exemples tirés de la littérature, de l'histoire et de l'actualité, ce livre montre comment la question sociale se trouve désamorcée lorsqu'elle est reformulée en termes ethnico-culturels. Plus fondamentalement, il s'interroge sur l'objectif d'une politique de gauche : s'agit-il de répartir les inégalités sans discrimination d'origine et de sexe, ou de les supprimer ?
Mon intention ici n'est évidemment pas de soutenir que la discrimination positive (ou l'engagement pour la diversité en général) accroît les inégalités. Mais plutôt de montrer que la conception de la justice sociale qui sous-tend le combat pour la diversité - nos problèmes sociaux fondamentaux proviendraient de la discrimination et de l'intolérance plutôt que de l'exploitation - repose elle-même sur une conception néolibérale. Il s'agit d'ailleurs d'une parodie de justice sociale qui entérine l'élargissement du fossé économique entre riches et pauvres tant que les riches comptent (proportionnellement) autant de Noirs, de basanés et de Jaunes que de Blancs, autant de femmes que d'hommes, autant d'homosexuels que d'hétérosexuels. Une justice sociale qui, en d'autres termes, accepte les injustices générées par le capitalisme. Et qui optimise même le système économique en distribuant les inégalités sans distinction d'origine ou de genre. La diversité n'est pas un moyen d'instaurer l'égalité ; c'est une méthode de gestion de l'inégalité.
Lire aussi :
• La question sociale ensevelie sous les faux débats, Le Plan B n°1, Octobre 2007.
• Février 2009, MICHAELS Walter Benn, Liberté, fraternité... diversité ?, Le Monde diplomatique.
• Juin 2008, MICHAELS Walter Benn, Toutes les inégalités n'offensent pas le candidat Barack Obama, Le Monde diplomatique.
• Dossier documentaire & Bibliographie Immigration, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Inégalités & Précarité, Monde en Question.
[1] LMSI n'a rien écrit de pertinent à propos de ce livre, mais a répété plusieurs fois (17/11/2009 et 20/11/2009) le même message sans l'argumenter : «petit livre trop encensé» ; «philosophiquement inepte, sociologiquement indigent et politiquement dégoûtant».
L'équipe de LMSI serait bien inspiré d'écouter l'édifiant dialogue consensuel entre Lynda Asmani, conseillère UMP de Paris et Bariza Khiari, sénatrice PS de Paris sur les «minorités visibles en politique», Le rendez-vous des politiques - France Culture.
Cette organisation, comme celles qui prétendent représenter les Français issus de l'immigration coloniale, souhaite-t-elle participer à l'équivalent de l'UGIF, dénoncée par Maurice Rajsfus comme collaborationniste par «réflexe de classe» ?
Maurice Rajsfus, Des Juifs dans la collaboration, L'U.G.I.F. 1941-1944, préface de Pierre Vidal-Naquet, EDI, 1980 [Archives des sciences sociales des religions].