article dédié à Carlos
Le titre du documentaire, La fabuleuse machine d’Anticythère, est bien racoleur. Il copie ceux des médias dominants : l’énigmatique machine d’Anticythère, le mécanisme d’Anticythère révèle ses secrets ou la machine d’Anticythère révèle ses mystères. Des titres aussi vendeurs que inexacts.
La présentation du documentaire, faite sur le site de l’équipe de recherche, est pire encore :
A historical and scientific investigation telling the extraordinary story of how the ancient Greeks built a computer 2,000 years ago.
Une enquête scientifique et historique qui raconte l’histoire extraordinaire de la façon dont les Grecs ont construit un ordinateur il y a 2.000 ans.
The Antikythera Mechanism Research Project
Une enquête scientifique et historique qui raconte l’histoire extraordinaire de la façon dont les Grecs ont construit un ordinateur il y a 2.000 ans.
The Antikythera Mechanism Research Project
Ceci dit, le documentaire reste intéressant car il conte non seulement l’histoire de la découverte de cet objet, mais surtout les diverses hypothèses de sa nature et révèle l’ignorance de beaucoup de scientifiques en matière d’histoire.
Alors qu’une équipe de recherche internationale s’attribue aujourd’hui tous les mérites « d’avoir résolu l’énigme des engrenages – un vrai Da Vinci code créé dans la Grèce antique » (langage peu scientifique), le documentaire rend compte de l’apport essentiel de Michael Wright. Il fut aussi important que celui de John Harrison pour déterminer la longitude.
Michael Wright a permis de conclure que le mécanisme d’Anticythère était un planétarium miniature qui reproduisait les mouvements du Soleil et de la Lune, ceux de Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne (les seules planètes connues à l’époque) et affichait aussi les différents cycles soli-lunaires et les dates des olympiades.
Le mécanisme d’Anticythère, proche d’une « horloge astronomique » actionnée à la main, n’est donc pas à proprement parler une « machine », un « calculateur astronomique » et encore moins un « ordinateur ». Cela n’ôte en rien de son intérêt. Au contraire, on reste admiratif de l’habilité technique pour mettre dans « le volume d’un boîtier haut de 21 cm, large de 16 cm et épais de 5 cm (dimensions d’un livre de taille moyenne) » toutes les connaissances astronomiques de l’époque. Plus admiratif encore du fait que ce planétarium miniaturisé reproduisait les mouvements apparents des planètes en tenant compte des irrégularités de leur trajectoire et affichait les dates des éclipses.
Quant aux inscriptions, elles restaient mystérieuses que pour ceux qui ignoraient le grec. Les chercheurs ont redécouvert par la même occasion l’importance de l’astronomie mésopotamienne, source des connaissances grecques, mais dédaignée aujourd’hui parce que liée à l’astrologie et parce que ce rappel historique contredit le mythe occidental de la Grèce berceau de la civilisation occidentale. Or le mécanisme d’Anticythère reproduit, par exemple, le cycle de Saros qui marque la périodisation des éclipses solaires ou lunaires (223 mois lunaires, soit 18 ans).
Enfin, les chercheurs, plus experts en communication médiatique qu’en histoire, sont obligés de reconnaître naïvement que toutes les connaissances philosophiques et scientifiques de la Grèce ont leur source en Mésopotamie et qu’elles nous furent transmises grâce à la civilisation arabe qui à son tour les actualisa. C’est ainsi que beaucoup de mots utilisés en mathématiques et en astronomie ont été transmis par l’arabe soit directement, soit en utilisant l’arabe comme langue vectrice.
Quelques questions demeurent sur l’origine et l’inventeur du mécanisme d’Anticythère car il n’existent que très peu de traces de ce genre d’objets y compris dans les livres anciens. Cicéron évoque deux machines capables de reproduire les mouvements du Soleil, de la Lune et des cinq planètes :
« Lorsque Gallus actionnait cette sphère, il se produisait que la lune succédait au soleil en autant de tours dans le cuivre que de jours dans le ciel même, par quoi il se produisait aussi dans le cadran du soleil le même retard, et la lune tombait dans le cône constitué de l’ombre de la terre au moment même où le soleil, dans la direction…(lacune). »
Source : Wikipédia
Source : Wikipédia
Le documentaire ne précise pas si le mécanisme d’Anticythère reproduisait la rétrogradation des planètes liée à l’observation géocentrique. Le modèle théorique et mécanique de Michael Wright en tient compte [02' 10"]. Ce détail renforce l’intérêt à la fois pour le mécanisme d’Anticythère et les travaux de Michael Wright.
Partage proposé par : Vimeo HD 720 VF - Bonus (Conférences et Textes)
13/01/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
Références bibliographiques :
• Antikythera mechanism, Wikipedia [Article plus complet que la version française qui ignore les travaux de Michael Wright] - The Antikythera Mechanism Research Project - Antikythera Mechanism.
• Decoding the Antikythera Mechanism: Investigation of an Ancient Astronomical Calculator, Nature - Supplementary, Nature, 2006.
• Jo MARCHANT, Decoding the Heavens: Solving the Mystery of the World's First Computer, Voir vidéo - Transcript of the lecture - Slides, 2006.
• Darin HAYTON, Final thoughts from the ICHST: Rambling on about the Antikythera Mechanism, Philadelphia Area Center for History of Science, 06/08/2009.
• Mécanisme d'Anticythère, Wikipédia [Dossier mis à jour par Serge LEFORT le 11/01/2013] - The Antikythera Mechanism Research Project.
• Pierre LE HIR, Sciences : Le mystérieux mécanisme d’Anticythère, Le Monde, 01/12/2006.
• Michael T. WRIGHT, Le mécanisme d'Anticythère, Histoire des Sciences.
• Michael T. WRIGHT, Le mécanisme d'Anticythère - Modèle théorique et mécanique, Télécharger vidéo.
• Michael T. WRIGHT, Antikythera mechanism lives again, Voir vidéo.
• Michael T. WRIGHT, Bibliography, Histoire des Sciences - The Antikythera Mechanism Research Project.
• John HARRISON, Wikipédia [Dossier mis à jour par Serge LEFORT le 13/01/2013].
• John Harrison and the Longitude problem, National Maritime Museum.
• Dava SOBEL, Longitude, JC Lattès, 1996 réédition Points Sciences Le Seuil, 1998.
Lors des grands voyages d'exploration du XVIIIe siècle, les mauvaises estimations de la longitude, dues à la faible qualité des chronomètres de marine, furent la cause de bien des naufrages. Savants célèbres et techniciens émérites proposèrent quantité de méthodes sophistiquées pour résoudre ce problème. Pourtant, l'histoire des sciences ayant parfois des allures de roman, c'est un humble horloger, John Harrison, qui trouva la solution. Il construisit le premier chronomètre résistant à la houle du grand large mais dut faire face à l'animosité du milieu scientifique et à la mauvaise foi des représentants de l'Empire britannique. Une incroyable histoire dont tous les fils politiques, scientifiques ou académiques sont ici brillamment dénoués.
• Sciences et techniques arabes, Wikipédia.
• Liste des scientifiques arabes, Wikipédia.
• Mots français d'origine arabe, Wiktionnaire.
• Salah GUEMRICHE, Dictionnaire des mots français d'origine arabe, Seuil, 2007 réédition Points Seuil, 2012.
Il y a deux fois plus de mots français d'origine arabe que de mots français d'origine gauloise !
D'abricot à zéro, en passant par algèbre, alcool, arobase, bougie, café, chimie, calibre, douane, échecs, hasard, jupe, lilas, magasin, masser, nénuphar, pyjama, raquette, sirop, tarif, tulipe, zénith, ce Dictionnaire des mots français d'origine arabe (et, pour un certain nombre, turque et persane) retrace l'histoire de près de 400 termes, à travers leur étymologie, leur évolution orthographique, leurs usages anciens et modernes… Agriculture, zoologie, astronomie, botanique, médecine, mathématiques, gastronomie ou pharmacie, tous les domaines du savoir ou de la vie quotidienne sont touchés par ce métissage linguistique vieux de plusieurs siècles.
Lire aussi :
• Dossier documentaire Astronomie-Astrophysique, Monde en Question.
• Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
• Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.
• Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
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