30 septembre 2008

Revue de presse Crise économique

USA: rejet du plan de sauvetage bancaire, la crise s'étend, les Bourses chutent

Source : Libération


Le Congrès américain rejette le plan de sauvetage des banques, NouvelObs
Malgré les appels pressants du président George W. Bush et de responsables des deux partis, la Chambre des représentants américaine a rejeté, lundi 29 septembre le très impopulaire plan de sauvetage du système financier et bancaire d'un montant de 700 milliards de dollars.
Les parlementaires de la chambre basse du Congrès ont voté par 228 contre 205 pour rejeter le plan Paulson, du nom du secrétaire américain au Trésor Henry Paulson. Plus des deux tiers des représentants républicains ont voté contre le texte, alors que 40% des représentants démocrates l'ont rejeté.

Les votes négatifs sont venus des deux camps, même s'ils étaient proportionnellement plus nombreux dans les rangs républicains que démocrates. Nombre de parlementaires, qui cherchent à se faire réélire lors des élections du 4 novembre prochain, craignaient un vote sanction de leurs propres électeurs en cas de feu vert donné à ce plan très impopulaire dans l'opinion.
Toute la journée, la Maison Blanche et le président Bush en personne, conscients du risque d'échec à la Chambre, étaient montés au créneau pour défendre ce texte de loi présenté comme absolument nécessaire pour sauver le système financier et bancaire et empêcher la crise des "subprimes" (crédits hypothécaires à risque) de s'étendre à toute l'économie.

Le plan Paulson prévoyait de faire appel largement à l'argent du contribuable pour sauver le système financier et bancaire, mais une partie de l'opinion refusait de payer pour les excès ou les erreurs de Wall Street.


La Chambre des représentants rejette le plan Bush, Libération
Les démocrates de la Chambre ont en majorité voté pour ce plan qui revient à nationaliser une partie de l'industrie financière. L'opposition à ce plan, initié par George W. Bush, qui a perdu toute crédibilité, est paradoxalement concentrée dans le camp républicain. «On doit choisir entre une perte de prospérité immédiate et une perte de notre liberté économique sur le long terme. C'est un choix difficile», explique Thaddeus McCotter, un représentant républicain du Michigan. «Ce projet de loi a été hâtivement concocté dans une atmosphère de panique», proteste un représentant démocrate du Texas, Lloyds Doggett.

Des crimes financiers ont été commis, et on demande maintenant au Congrès de les récompenser», fulminait ce week-end le démocrate Marcy Kaptur, tandis que le représentant Jeb Hensarling clame que les Etats-Unis «empruntent la voie socialiste !»

La rebuffade de la Chambre basse du Congrès est un désaveu pour le président Bush, mais aussi pour les deux candidats à sa succession, qui ont appuyé le plan. «Ce n'est pas la fête quand les contribuables sont obligé de faire un pas aussi extraordinaire à cause de l'irresponsabilité d'une relative minorité. Mais c'est un pas nécessaire», a expliqué Barack Obama. «On va tous avoir du mal à avaler ça, mais on le fera», bougonnait John McCain, son adversaire républicain. Mais même s'il était adopté, pronostiquait ce mardi le Wall Street Journal, ce plan «pourrait échouer à ranimer l'économie».


Le plan de sauvetage rejeté par la Chambre des représentants, RFI
Les investisseurs sont alarmés parce qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion : aucun dirigeant américain ne semble avoir de prise sur les événements.
Ni le président Bush, qui n’est plus respecté par ses propres troupes républicaines et qui est décrédibilisé en fin de mandat.
Ni son secrétaire au Trésor, Henry Paulson, humilié par le rejet de son plan.
Ni le patron de la FED, Ben Bernanke qui avait cautionné ce plan et dont les interventions colossales pour injecter des liquidités sur les marchés n’ont pas rassuré.
Ni les leaders du Congrès qui ne peuvent faire respecter la discipline de vote et ne sont pas certains de l’emporter lors d’un hypothétique nouveau scrutin dans quelques jours.
Barack Obama et John McCain eux aussi cautionnaient le plan Paulson. Ils n’ont pas de solution alternative, si ce n’est de plaider pour une nouvelle tentative au Congrès.


TERNISIEN Thierry, Crise financière ou agonie du capitalisme ?, Blog.LeMonde
Derrière des expressions inadaptées et choisies pour faire peur et paralyser la pensée (tsunami, 11septembre de la finance,…), il semble bien que la profondeur de la crise ne soit pas réellement mesurée que ce soit par les promoteurs du néolibéralisme actuel ou par certains des ses adversaires.

Bien loin d’être due à l’œuvre d’un des trois boucs émissaires créés par nos sociétés actuelles [1], le spéculateur, la crise financière qui secoue l’économie mondiale n’est que l’aboutissement logique d’une évolution qui s’est accélérée. Par son développement même le capitalisme a atteint des limites qu’il est incapable de dépasser et ne survit que par des subterfuges à la crise de ses trois piliers : l’accumulation du capital, la consommation, le travail.

Le capital. Du fait des gains croissants de productivité et de la baisse de contenu en travail des produits, la production n’est plus capable de valoriser l’ensemble des capitaux accumulés, une partie croissante de ceux-ci conservant la forme de capital financier. Une industrie financière s’est constituée qui ne cesse d’affiner l’art de faire de l’argent en n’achetant et ne vendant rien d’autres que diverses formes d’argent. C’est cette industrie que nous voyons s’écrouler. C’est ce qui a fait dire à André Gorz, dans le dernier article écrit avant sa mort que « la sortie du capitalisme a commencé ».

La consommation. Cette impossibilité croissante de valoriser le capital est accentuée par la baisse du pouvoir d’achat dans tous les pays ayant adopté le dogme néolibéral. Le recours à l’endettement massif, dont les subprime ne sont que le dernier épisode, a servi à masquer cette évidence en poussant des millions de travailleurs à consommer des richesses qu’ils n’avaient pas encore créées. C’est cette course à l’endettement qui vient de s’enrayer. Elle devrait logiquement être suivie par un effondrement de la consommation.

Le travail. Cet effondrement de la consommation sera lui-même accentué par la disparition du travail-emploi-marchandise. Ce n’est pas seulement le plein emploi, c’est l’emploi lui-même que le post-fordisme a entrepris de supprimer. Derrière des taux de chômage flatteurs et très souvent manipulés, cette destruction est visible dans la réalité des chiffres de la durée du travail qui traduit une dégradation très profonde de la qualité des derniers emplois créés.

Il faut être précis : nous aurons toujours autant de travail que nous voudrons, mais il ne prendra plus la forme du travail-emploi marchandise. Questionner le travail en revisitant l’œuvre d’Hannah Arendt et sa distinction entre les différents types d’activité humaine (travail (labour), œuvre (work), action) est très éclairant.

Par cette évolution, en détruisant ses moteurs, le capitalisme travaille à sa propre extinction et fait naître des possibilités sans précédent de passer à une économie affranchie de la domination du capital sur le mode de vie, les besoins et la manière de les satisfaire. C’est cette domination qui demeure l’obstacle insurmontable à la limitation de la production et de la consommation. Elle conduit à ce que nous ne produisons rien de ce que nous consommons et ne consommons rien de ce que nous produisons. Tous nos désirs et nos besoins sont des besoins et des désirs de marchandises, donc des besoins d’argent. L’idée du suffisant –l’idée d’une limite au-delà de laquelle nous produirions ou achèterions trop, c’est-à-dire plus qu’il ne nous en faut –n’appartient pas à l’économie ni à l’imagination économique. Elle peut par contre appartenir à l’imagination citoyenne.

[1] Le terroriste, le pédophile, le spéculateur.

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