Entre les lignes du rapport Giazzi sur les médias et le numérique se dessine un avenir de l’information à deux vitesses, cohérent et sans états d’âme : d’une part un paysage dominé par de grands groupes multimédias (associant presse écrite, radio, télévision et internet) fusionnant les industries de l’information et du divertissement, d’autre part la liberté laissée à un journalisme professionnel indépendant et pluraliste de tenter de se développer à la marge sur internet.
Face au danger de marchandisation générale d’une information réduite à des dépêches d’agences, diluée dans une logique marketing d’infotainement (fusion de l’information et du divertissement), les garanties apportées au respect d’une déontologie, du pluralisme de l’information et d’une indépendance éditoriale des journalistes, sont purement anecdotiques.
Le 11-Septembre de France 24, AgoraVox
"Trois langues, un seul langage". Telle était la devise caractérisant la spécificité de France 24 à son lancement : la synergie d’une rédaction composée d’une trentaine de nationalités et chargée de relater les informations en français, anglais et arabe. Deux ans plus tard, il faudrait rajouter "et d’une seule voix".
Au-delà des griefs comportementaux formulés à leur encontre (rudesse, autoritarisme, mauvaise foi, etc.), l’affaire révèle une tendance lourde, constatée depuis l’arrivée de Christine Ockrent, passée des ménages au "grand ménage", à la direction de l’audiovisuel extérieur : la volonté politique d’une épuration idéologique.
A sa manière, l’affaire Deniau, au-delà des luttes de pouvoir au sein de France 24 et de la purge politique par une direction plus atlantiste (ou "sarko-kouchnero-compatible"), témoigne d’autre chose, qui émerge à peine : la nervosité d’une corporation hybride (patrons de médias, chroniqueurs influents, journalistes, faiseurs d’opinion) à l’endroit de toute parole publique "dissidente" sur le 11-Septembre. L’unanimité incroyable pour fustiger violemment un pitre inoffensif comme Jean-Marie Bigard révèle le décalage saisissant entre les acteurs des médias et l’opinion publique, plus indulgente envers le comique amateur de films "conspirationnistes". Même le référendum sur l’Europe en 2005 n’avait pas connu un tel alignement de la part des journalistes hexagonaux.
Livre : POLITKOVSKAÏA Anna, Qu’ai-je fait ?, Buchet Chastel, 2008, Rue89
Dans ce texte en friche, probablement destiné à un public occidental, Anna Politkovskaïa s’interroge sur ce qu’est le métier de journaliste en Russie. « Presque tous les journalistes et les médias russes de la génération actuelle sont des Koviorny », écrit-elle. Le Koviorny est une sorte de clown qui sur la piste du cirque amuse le public entre deux numéros.
Ceux qui ne jouent pas le jeu de ce cirque en Russie, ceux qui ne sont pas des « nôtres » sont des ennemis, des proscrits. On se méfie d’eux, on les fuit, on les surveille, on ne les invite pas aux voyages et aux conférences de presse, on les marginalise, on leur colle des flopées de rumeurs infondées sur le dos.
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